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les dispositions de la France et de la Russie sur la possibilité et l’opportunité d’un rapprochement plus étroit entre le Japon et la Russie. A la même date, il est vrai, le comte (alors baron) Hayashi, ministre du Japon à Londres, s’efforçait, de son côté, de décider lord Salisbury et lord Lansdowne à conclure un traité positif d’alliance entre les deux pays. Le gouvernement japonais, qui avait alors pour président le général comte Katsura, ne s’était pas encore prononcé. C’est à la dernière heure, semble-t-il, et parce que le marquis Ito n’avait pas rencontré à Saint-Pétersbourg l’accueil et le concours sur lesquels il comptait, que le conseil des anciens hommes d’État (genro) réuni à Tokyo sous la présidence de l’Empereur, résolut de pousser activement les négociations avec le gouvernement britannique et de donner au baron Hayashi ses instructions définitives. Le gouvernement britannique lui-même craignit alors de se laisser devancer par la Russie et hâta les derniers pourparlers. Le traité d’alliance entre la Grande-Bretagne et le Japon fut signé à Londres le 30 janvier 1902.

Le comte Hayashi a raconté dans ses Mémoires, publiés à Tokyo après sa mort, en 1913, qu’au début même de sa campagne diplomatique, lors de ses premiers entretiens avec lord Lansdowne, il ne fut pas peu surpris de recevoir un jour les confidences du conseiller de l’ambassade d’Allemagne à Londres, qui l’encourageait fort à poursuivre sa tentative, l’assurant que la Grande-Bretagne, malgré sa tradition peu favorable à des engagemens de ce genre, désirait avoir dans le Japon un allié et ajoutait que l’Allemagne, quant à elle, ne pourrait qu’être satisfaite de voir une telle alliance se conclure. La Puissance, qui était depuis de longues années déjà le mauvais génie de l’Europe, et qui maintenant étendait sa malfaisance à l’Asie, l’Allemagne, ne cherchait, en excitant l’Angleterre et le Japon à se rapprocher, qu’a les liguer contre la Russie. Interrogée un moment sur l’éventualité selon laquelle elle entrerait elle-même en tiers dans l’alliance anglo-japonaise, l’Allemagne s’empressait, d’ailleurs, de décliner tout désir de participation. Elle eût trop craint de découvrir son jeu et de se démasquer vis-à-vis de la Russie qu’elle poussait, d’autre part, contre le Japon. L’Angleterre, dans ces premières années du XXe siècle, n’était pas encore édifiée et rassurée sur les véritables intentions et tendances de la politique russe. Elle croyait avoir à se protéger contre la