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et des autorités locales, puis, de proche en proche, des provinces voisines et notamment du Tche-li, enfin, lorsque, après les vaines tentatives de réformes libérales de l’empereur Kouang-sïu, l’impératrice douairière, par son coup d’État du mois de septembre 1898, redevint maîtresse de l’empire, du gouvernement de Pékin passé dans les mains du prince Touan, et de la Cour elle-même dont le prince Touan avait réussi à forcer la conviction. Par l’association de la nation, des Boxeurs, du gouvernement et de la Cour, le mouvement des chevaliers du Poing de la Fleur du prunier était devenu le soulèvement de la Chine contre les excès et abus de pouvoir de l’étranger.

Devant une telle révolte à laquelle, avec plus ou moins de franchise, la Cour impériale et le gouvernement prêtaient leur complicité, toutes les Puissances étrangères, quoi qu’elles pensassent de la responsabilité encourue par l’Allemagne, ne pouvaient et ne devaient former qu’un seul front. — Elles parvinrent, malgré le danger qui, pendant trois mois, menaça les légations de Pékin, et grâce aux hésitations qui empêchèrent certains hauts mandarins de seconder l’attaque furieuse des Boxeurs, à pénétrer dans les murs de la Ville impériale, à délivrer leurs nationaux, à dompter l’insurrection. — Tandis qu’après cette défaite, la Cour et le gouvernement s’enfuyaient vers l’Ouest, jusqu’à l’ancienne capitale de Sin-gan-fou, les Puissances, pour ne pas aggraver leur tâche, pour rendre possibles le rétablissement de l’ordre et la reconstitution des pouvoirs publics, consentirent à paraître croire, à admettre que la Cour et le gouvernement lui-même avaient été dupes et victimes plutôt que complices. Elles acceptèrent d’entrer en négociation, par l’entremise de deux personnages restés étrangers à la folle aventure des Boxeurs, le prince King et Li-hong-tchang, avec le gouvernement qu’il s’agissait de restaurer et de reconstituer. — Peut-être l’occasion eût-elle été bonne alors de faire pour la Chine ce que les grandes Puissances avaient fait, au traité de Paris, en 1856, pour la Turquie, c’est-à-dire de la faire entrer dans le droit public de l’Europe, de garantir collectivement son indépendance et son intégrité, d’appliquer à l’ « homme malade » du Céleste-Empire le même régime que la thérapeutique internationale avait inauguré pour l’ « homme malade » du Bosphore. L’Europe se fût épargné ainsi, et elle eût épargné à la Chine bien des difficultés et des traverses. —