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l’Europe et sans elle. Ce double enseignement ne devait pas être perdu. Si la Chine avait été la première à entrer en alliance avec une Puissance de l’Ouest et à relier ainsi l’Asie à l’Europe, le Japon n’allait pas tarder à suivre ce mémorable exemple. Et ce serait précisément pour aborder et régler d’accord avec l’Occident la question chinoise que le Japon chercherait lui-même un allié en Europe. La politique d’isolement et de réclusion avait vécu. Les ponts étaient décidément jetés entre l’Europe et l’Asie.


II

Avant que ces ponts, toutefois, ne fussent plus solidement établis, une nouvelle et terrible rafale, — l’insurrection des « Boxeurs, » — allait s’abattre encore sur la Chine. Le mouvement dit des « Boxeurs, » bien qu’il émanât du foyer ordinaire et permanent des sociétés secrètes, eut, il faut le dire, sinon sa cause première, du moins l’occasion propice, l’étincelle opportune dans l’acte contradictoire et violent que commit, au mois de novembre 1897, l’Allemagne soi-disant venue en 1895, comme la France et la Russie, au secours de la Chine. L’occupation, en pleine paix, à cette date, par l’escadre allemande du port de Kiao-tchéou, comme rançon du meurtre de deux missionnaires catholiques de la congrégation de Steyl, qu’une bande de brigands avait assassinés dans un village perdu du Chan-toung, parut, aux yeux de la nation chinoise, difficilement conciliable avec la politique tutélaire que l’Allemagne, deux années auparavant, avait affecté d’adopter à l’égard de la Chine. La nation chinoise, qui n’existait guère avant les désastres de la récente guerre et l’éclair de confiance dont l’avait illuminée ensuite l’intervention des Puissances en 1895, éprouva une cruelle désillusion a constater que c’était de l’une de ces Puissances censées protectrices que lui venait ce coup de force et de déprédation. La « Société des Poings de la Fleur du prunier » (tel est le nom authentique et complet des Boxeurs) se trouva prête, s’étant formée dans le Chan-toung même, à s’approprier et à servir cette cause du ressentiment national. Elle y gagna une plus patriotique devise, un plus grand nombre d’adhérens, et peu à peu la sympathie, la protection, l’appui, d’abord du gouverneur de la province du Chan-toung