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dans la voie qui s’ouvrait à elle. La Chine menacée ne pouvait plus garder la belle et hautaine indifférence de jadis. Force lui était de choisir, de se prononcer et surtout de ne pas rejeter le concours précieux, inespéré, qui s’offrait. Li-hong-tchang sut, de Saint-Pétersbourg, par ses télégrammes pressans, convaincre l’empereur Kouang-siu, l’impératrice douairière, le prince Kong et se faire autoriser par eux à signer avec le prince Lobanoff le traité proposé, et qui, revêtu de son seing, au mois de mai 1896, était complété le 20 septembre de la même année par la conclusion du contrat relatif au passage sur le territoire mandchou de la ligne ferrée transsibérienne.

De par ce traité, la Chine, alliée à la Russie, prenait place dans la politique générale du monde. Elle devenait un pion sur l’échiquier. Et, de fait, sa politique, à partir de cette date, se rattache à celle de la Russie qui s’ordonne et se poursuit elle-même selon les principes et les intérêts de l’alliance franco-russe. — La Russie et la France ont, comme il était naturel, tiré des rapports ainsi établis les profits et avantages qui en devaient résulter pour leur propre situation politique et économique en Extrême-Orient. La Chine, si elle a fait, en somme, bonne mesure à ses alliés, a recueilli, elle, de son traité avec la Russie, un sentiment de sécurité et, en même temps, le bénéfice d’une accalmie, d’une trêve pendant laquelle, en réparant ses brèches, en restaurant ses finances, elle a pu, après avoir payé une forte indemnité de guerre et libéré son territoire, inaugurer avec quelque confiance l’ère nouvelle.

Le Japon, qui s’était conformé, après la paix de Shimonoseki, au conseil amical des trois Puissances de l’Ouest, ne fit aucunement mine de contrarier ou de combattre le parti qu’avait pris la Chine d’accepter l’alliance ou la protection de la Russie. Il garda, vis-à-vis de cette ère nouvelle d’une Chine se plaçant sous l’égide russe, une extrême réserve qui ne l’empêcha pas de chercher lui-même à s’entendre avec la Russie sur la question de Corée que le traité de Shimonoseki n’avait qu’imparfaitement résolue. — Il retint toutefois des événemens accomplis et du pacte conclu entre la Chine et la Russie deux enseignemens : l’un, qu’il pouvait y avoir lieu pour une Puissance asiatique de contracter union et alliance avec une Puissance de l’Ouest ; l’autre, que la question chinoise était de celles qui ne peuvent être abordées, ni à plus forte raison réglées en dehors de