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Les rafles s’étendirent aux objets de ménage, les batteries de cuisine furent enlevées des riches installations de Roubaix-Tourcoing. En Allemagne, les réquisitions analogues ont été plus douces, dans la pratique, que les papiers officiels ne le feraient supposer. Bien que les casseroles, les bassines, les serrures, les portes de fourneaux ou de poêles, soient exigibles en droit, — des réclames de magasin offrent les mêmes en fer « garanties contre toute réquisition, » — en fait, on a jusqu’ici reculé devant la saisie effective. Des « bureaux collecteurs » sont installés et, de temps en temps, il est fait appel à la bonne volonté de ceux qui ont des objets saisissables. On leur donne un « dernier délai, » que l’on renouvelle à l’expiration pour ceux qui n’auraient pas encore « rempli ce devoir patriotique. »

La fédération du « Heimatschutz, » qui s’occupe de conserver les traditions, a fait remarquer combien la mise à la fonte des objets d’art ancien serait regrettable et ils ont été exceptés de la saisie. Dans les tramways de Berlin, les dossiers en cuivre entre les sièges ont été supprimés ; on les a remplacés, pour la division des places, par des raies rouges tracées sur les fenêtres. On a fondu les cloches « qui ne sonnaient plus, » ou « ne s’accordaient plus avec leurs voisines ; » on a même fondu des linteaux de fenêtres, des chambranles de portes et des toits d’édifices publics ; toutes mesures qui cadrent assez mal avec l’affirmation de députés, comme von Hassel à la tribune du Reichstag, que « la provision de cuivre de l’Allemagne suffisait pour continuer la guerre pendant des années. »

Privée de cuivre, l’Allemagne, avec du charbon à discrétion et les minerais du bassin de Briey qu’elle exploite à sa guise, est, on le conçoit, beaucoup plus favorisée que nous et même que l’Angleterre sous le rapport du fer et de l’acier. La mobilisation a privé les usines germaniques de 35 à 40 pour 100 de leurs ouvriers ; elles ont dû renoncer aux équipes de nuit, employer des femmes, et la production, avec un personnel inexpérimenté, était tombée de 1 589 000 tonnes en janvier 1914 à 962 000 en janvier 1915. Elle a d’ailleurs remonté en jan- vier 1916 à 1 224 000, et cette réduction de 24 pour 100 n’est pas pour gêner un pays qui, sur les 18 millions de tonnes de son ancienne fabrication, en exportait 8 millions à l’étranger.