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1914-1915 ; mais il en vint 600 000 par Gênes et par l’Italie en général, 500 000 par Rotterdam et 550 000 par Gothenburg et autres ports Scandinaves.

Aucune pénurie de textiles ne se fit donc sentir à l’Allemagne, qui possédait de grands stocks à Brème et s’appropria tous ceux de la Belgique, du Nord de la France et de la Pologne. Lorsque, par suite de ces affrètemens copieux pour l’Europe, y compris la France et l’Angleterre qui achetèrent plus que d’habitude ; par suite aussi de la demande indigène, — jamais il n’avait été manufacturé autant de coton aux Etats-Unis, — le marché eut recouvré son assiette et un prix normal ; lorsque l’Amérique était pleinement informée de la justice de notre cause, l’Angleterre déclara le coton contrebande de guerre.

Aussitôt (1 er août 1915) le ministère prussien de -la Guerre interdit la fabrication de presque tous les articles de coton, étoffes pour vêtemens, linge de corps ou de maison. Le lendemain, il prescrivit la déclaration ; le 14 août, il opéra la saisie du coton en tous ses états : bruts, filés, tissus, déchets ou chiffons. Défense de le vendre, ou de le mettre en œuvre autrement que pour l’armée ; encore les usines ne doivent-elles pas travailler plus de trente heures par semaine.

Au coton américain, du reste, nos ennemis ne renoncèrent pas volontiers. Durant la seconde quinzaine d’août, dit M. André Sayous dans une remarquable étude sur le Commerce et l’Industrie allemande, les quatre grandes banques germaniques s’entendirent pour grouper les commandes des fabricans et financer un achat collectif. Par télégraphie sans fil, un ordre fut lancé montant à 375 millions de francs : un million de balles à 75 centimes la livre, livrables à Brème, lorsque le cours était seulement de 50 centimes. Ordre colossal et platonique, puisqu’il était inexécutable, les Américains ayant reconnu la légitimité du blocus.

Faute de pouvoir renouveler ses provisions, l’Allemagne s’efforça de les économiser et d’employer d’autres matières : on a essayé de fabriquer du coton artificiel avec de la cellulose où avec la fibre de l’ortie : cette dernière traitée d’abord, d’après un procédé fort coûteux, à l’ammoniaque, puis tout simplement, au dire du professeur autrichien Oswald Richter, avec de l’eau pure. Il ne semble pas que les résultats obtenus aient été