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occupés leur ont fourni le bois nécessaire au front oriental ; tandis que pour le front Ouest, une fois qu’ils eurent épuisé les stocks trouvés en France et en Belgique et les forêts déboisées, ils ont fait appel dans une très large mesure aux sources de l’Allemagne, où les prix ont alors rapidement augmenté.

Le mètre cube, en madriers de 80 millimètres, qui valait 67 et 69 francs à Cologne et à Berlin en août 1914, vaut aujourd’hui 97 francs à Berlin et 112 francs à Cologne ; soit 40 pour 100 de hausse dans le Nord et l’Est, et 60 pour 100 dans l’Ouest. L’autorité militaire craint de manquer de noyers pour l’armement ; certains se sont vendus jusqu’à 800 francs, et l’on a décrété la saisie de tous les noyers sur pied et de toutes les pièces de cette essence mesurant un mètre de longueur sur six centimètres d’épaisseur.

Le bois à papier fait également défaut ; depuis plusieurs années avant la guerre, par suite de la surproduction et des bas prix qui en étaient la conséquence, la situation de l’industrie du papier en Allemagne était critique. Sur 46 Sociétés, 30 ne donnèrent aucun dividende en 1913-1914 ; la moyenne de revenu des autres ne dépassait pas 3 et demi pour 100. Depuis la fermeture de la frontière russe, la Suède seule exporte la cellulose, et nous savons, nous autres Français, à quel prix. L’association des fabricans germaniques a, depuis le 1er avril, augmenté ses prix de 33 pour 100 ; certains, pour ne pas vendre à perte, ont restreint leur production. Quelques-uns suggèrent au ministre de réquisitionner tout le vieux papier et les déchets de carton ; d’autres conseillent de développer l’abatage des épicéas en Pologne russe. Un petit nombre de journaux ont jusqu’ici majoré leur abonnement et d’une façon insignifiante.

Suivant la méthode de parcimonie puérile, dont nous avons signalé quelques exemples, le ministre de l’Instruction publique de Bade recommande, pour ménager le papier, de diminuer les devoirs des élèves ; les fonctionnaires ailleurs ont reçu l’ordre de ne plus laisser dans leurs lettres de service les blancs inutiles, que l’on considérait comme un protocole de respect, et d’en bannir les longues formules de politesse.