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Les œufs étaient aussi pour l’Allemagne un article d’importation : 170 millions de kilos, c’est-à-dire quelque 3 milliards d’œufs, lui venaient du dehors. L’Autriche-Hongrie ne pouvait en fournir que la moitié, et il faut croire que les œufs bulgares et polonais, qui valaient à Francfort récemment 200 francs le mille, ou même les œufs hollandais à 225 francs, n’ont pas suffi à remplacer ceux de Russie, puisqu’on a payé couramment les œufs 22 centimes la pièce à Berlin cet hiver, en dépit des Centrales d’achat et des œufs municipaux à 18 centimes, qui furent épuisés en quinze jours.

Par la hausse des prix, dont on vient de lire le détail, on conçoit que le prolétaire allemand, — il n’est pas question des riches pour qui la cherté n’est qu’un thème à conversations, — a dû restreindre la quantité de ses alimens et en changer la nature. Fut-il devenu végétarien par nécessité, il n’aurait pas le choix des légumes frais ou secs : les choux, les carottes, les épinards ont doublé de prix ; les pois, les fèves, les haricots ont triplé ; les navets et le riz ont quadruplé. Il est possible que la spéculation y soit pour quelque chose ; l’ « organisation » et la taxation, qui ont fait fuir ces denrées, y ont eu certainement grande part.

Il existait de vieille date des maxima fixés par le Conseil fédéral, inférieurs de 50 pour 100 à la moyenne des cours ; mais nul n’en tenait compte. En Hesse, où, depuis la guerre, on n’a pas appliqué les taxes, les marchés se trouvent mieux approvisionnés. A Berlin, depuis le mois de mars, pour remédier au manque absolu de choux, on a suspendu les maxima sur les choux étrangers. «. Par une série de mesures inopportunes, disait, il y a quelques semaines, le baron de Wangenheim aux fermiers de Poméranie, non seulement un grave dommage a été causé à notre agriculture, et le marché des pommes de terre a été complètement bouleversé ; mais une forte inquiétude a été jetée parmi les consommateurs, et une profonde amertume, bien justifiée, a gagné les producteurs. » Le secrétaire d’État Delbrück avait donc quelque raison de dire que, « pour ces articles, les questions de prix et de réquisitions sont particulièrement compliquées. »

Mais, quoique l’administration n’ait pas fait une fameuse besogne et n’ait pu transporter de l’Est à l’Ouest, faute de wagons, des quantités assez fortes pour unifier les prix, l’abondance