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à deux jours d’intervalle, des bateaux charges d’huile pour 400 000 et 500 000 francs chacun, qui essaient de franchir sur l’Escaut le cordon douanier.

C’est en effet le plus souvent par eau que le passage est tenté et le besoin d’huile de l’Allemagne est si grand que, pour s’en procurer, elle fait frauder jusque dans les caisses à eau des remorqueurs qui regagnent son territoire : on remplissait ces caisses moitié d’huile, moitié d’eau, et les vérificateurs hollandais furent quelque temps avant de s’apercevoir de la supercherie ; les contrôles se faisant en ouvrant les robinets des caisses, l’huile surnage et l’eau seule apparaît.

Les huiles et suifs alimentaires étrangers se payant couramment 6 et 7 francs le kilo aux premières stations frontières, et tel ambassadeur accrédité à Berlin étant obligé d’envoyer chercher en Suisse, à Bâle, l’huile nécessaire à la consommation de sa maison qu’il ne peut se procurer autrement, on s’explique que le tarif intérieur de 3 fr. 50 pour les produits nationaux similaires soit d’une application plutôt pénible. Ce serait le cas, ou jamais, d’avoir recours à ces précieux « succédanés » qui « ont si bien réussi, affirme un ingénieur allemand, qu’aujourd’hui peu d’industries continuent à faire usage de leurs matières premières originaires et que l’on pourrait même livrer certains articles aux Alliés. »

Cet ironiste trouverait l’utile emploi de ses facultés de remplacement dans le domaine des graisses et huiles, puisque l’Allemagne importait d’ordinaire 86 pour 100 des graines oléagineuses qu’elle travaille, et qu’elle a réduit l’an dernier la culture de ces sortes de plantes. On se borne à réquisitionner tous les corps gras, compris les savons. Encore ces derniers sont-ils indélicatement truqués par les introducteurs : « Alors qu’un bon savon, dit la Chemiker Zeitung du 1er mars, doit contenir 60 pour 100 de graisse, le savon qui arrive actuellement de l’étranger n’en contient que 15 et demi pour 100. » Or, il coûte 3 francs à 3 fr. 75 le kilo. Français, qui gémissez de payer le savon de Marseille 1 fr. 20, au lieu de 0,65 centimes avant la guerre, votre sort n’est-il pas enviable ?

En attendant que l’on soit parvenu à obtenir des graisses avec de la levure ?), ou que l’on ait dérobé à l’égout les eaux grasses au moyen d’un appareil très vanté, les journaux d’outre-Rhin se bornent à recommander aux ménagères de s’inspirer,