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s’appliquent qu’aux marchandises indigènes, il ne se trouve plus au marché que de la viande « étrangère, » que l’on pouvait vendre 3 fr. 75 la livre quand la viande du pays était taxée à 1 fr. 80. Les choux des provinces du Nord échappent de même à la taxe en s’offrant comme « choux du Danemark. » Ailleurs, où les choux sont libres, mais où les pommes de terre sont réglementées, les paysans cèdent leurs pommes de terre au cours légal, mais à condition que l’acheteur prenne un chou qu’ils ont annexé au sac et qu’ils font payer 2 ou 3 francs.

Depuis que les fromages allemands sont tarifés, ils ont disparu des boutiques, les seuls qui soient en montre sont « importés. » Il faut « dénoncer ces faits à la police, » disent les journaux, pleins du récit des ruses et artifices employés pour tourner la loi. On décide que certains marchands vendront uniquement les fromages « indigènes, » d’autres les « étrangers ; » que, de ces derniers, nul n’en pourra introduire que par la « Société centrale d’achats » et avec son autorisation.

Remarquons, entre parenthèses, que ces organismes d’État ne sont pas à l’abri de tout reproche, puisque le directeur de la Centrale de lait, à Berlin, a été condamné à 500 marks d’amende, en février, pour mélange quotidien de mille litres de lait écrémé au lait pur. Le ministre de l’Intérieur prussien a beau stigmatiser, dans sa circulaire du 20 mars dernier, « le trafic usuraire des denrées ; » le Conseil fédéral a beau édicter pour le mois courant des pénalités renforcées, un an de prison, 10 000 marks d’amende, privation des droits civiques, pour vente au-dessus des maxima, refus de livraison, dissimulation ou conservation des marchandises qui y sont sujettes, etc. ; ces menaces ne prouvent que la résistance croissante à laquelle se heurte la politique de coercition et l’impuissance du gouvernement à se faire obéir, quand il s’agit d’un objet vraiment rare.

C’est le cas des graisses et huiles, animales ou végétales, sur lesquelles la « Commission de guerre » a la haute main et qu’elle se procure à prix d’or : tel « coco, » riche en glycérine, vendu par son fabricant d’Amsterdam 2 francs, est revendu, lorsqu’on lui a fait passer en fraude la frontière du Brabant, 8 francs le kilo aux autorités allemandes de Belgique. Il ne se passe pas de semaine où la Hollande ne saisisse des matières grasses dirigées en contrebande vers la Germanie : tantôt c’est un stock de mastic mélangé à de l’huile de lin ; tantôt ce sont,