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s’étaient introduits dans des sociétés locales, déjà connues pour leur trafic d’importation. Sous le pseudonyme innocent de Davis, ou autres désinences anglaises, des câblogrammes, dont la censure britannique découvrit les véritables expéditeurs, étaient envoyés en Amérique : les uns, de Copenhague, donnant des ordres de livraison à Gènes ; les autres, de Rotterdam, pour des chargemens soi-disant destinés aux ports scandinaves ; de façon à laisser inconnu, jusqu’au dernier moment, le point d’atterrissage qui serait jugé le plus favorable pour le transit.

Un code spécial avait été inventé, — le mot « arnham » voulait dire « vaisseau pour Copenhague, » — et les grandes banques de Berlin, Dresde et Francfort avaient accumulé de larges crédits à New-York. La ligne Holland-America ayant refusé les chargemens de viande, parce que les affréteurs ne pouvaient naturellement lui garantir qu’ils ne seraient pas réexportés, les maisons allemandes des États-Unis proposèrent à différentes compagnies de faire naviguer pour la circonstance quelques-uns de leurs bateaux sous pavillon américain. Ces offres ayant été déclinées, une compagnie spéciale fut formée tout exprès pour ce trafic ; mais ses premiers cargos furent arrêtés et déclarés de bonne prise en Angleterre, malgré les protestations du syndicat des usines de viande de Chicago, et nos ennemis durent renoncer à ce mode d’approvisionnement.

L’Allemagne, d’après ses statistiques, était avant la guerre, par rapport à sa population, plus riche en espèce bovine que les autres nations du continent : 301 animaux dont 163 vaches laitières par 10 000 habitans ; la France seule lui était supérieure, avec 371 bovins dont 196 vaches à lait. Un détail permet d’apprécier combien ce cheptel germanique est en décroissance : en deux mois de l’automne dernier, les abattoirs de Berlin ont vu passer 53 000 têtes, au lieu de 36 000 en 1914 et de 15 000 en 1913.

Les animaux abattus ne sont pas aussi gras que précédemment. La Bavière, qui exporte son bétail vers la Prusse, — on lui reproche même de l’exporter trop chichement, — fait observer, dans un document officiel, que « l’on ne saurait exiger des bœufs la même qualité qu’en temps de paix. » Les prix sont partout en hausse, mais avec de sensibles différences : la livre de bœuf, qui valait au mois de mars à Berlin 3 francs, n’en valait que 2 à Munich et 1 fr. 85 à Karlsruhe.