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la Belgique et du Nord de la France devaient parer à tous les besoins, ne prit aucune précaution. Après la bataille des Flandres il devenait évident que la guerre durerait longtemps et que le cheptel germanique subirait une assez grande diminution. La disette de fourrages imposait d’ailleurs l’obligation de sacrifices immédiats. L’élevage bovin étant le plus précieux et le plus difficile à reconstituer, l’État ordonna l’abatage en masse des porcs. De 25 millions en 1914.1e chiffre des porcs était tombé, au 15 avril 1915, à 16 millions et demi. La viande ainsi obtenue servit à constituer des provisions et tous les fourrages disponibles furent réservés aux vaches et bœufs.

Dans l’été de 1915, le resserrement du blocus démontra que, faute de fourrages, les bovins allemands allaient périr ; une nouvelle décision fut suggérée aux pouvoirs publics : l’élevage des porcs fut repris d’une manière intensive, et l’on sacrifia les bovins. L’État fournit gratuitement tout ce qu’il put trouver de déchets de grains, de son, etc., aux éleveurs qui passent contrat avec lui, et les sociétés agricoles excitent leurs adhérens à profiter de ces offres : « La livraison de la pâture, dit l’office de Brandebourg, commencera bientôt pour l’hiver 1916-1917 ; il faut avant tout que l’élevage des truies ne périclite pas dans notre province ! »

La récolte de pommes de terre, due à une saison favorable et non point à l’utilisation décrétée des jardins d’agrément et des cimetières pour la culture de ce tubercule, facilita l’élevage des porcs et leur accroissement, beaucoup plus, croyons-nous, que le Statut de la nourriture du 28 octobre, où étaient édictés « deux jours sans viande, deux jours sans graisse, un jour avec viande, mais sans porc. »

Ce maigre laïque, qui défraya les conversations et les gazettes, ne donna pas les résultats attendus parce que, les ménages échappant à tout contrôle de l’autorité, il était difficile de surveiller l’observance de ces menus de pénitence et l’on ne tarda pas à l’abandonner.

Il fallut aussi renoncer aux tentatives d’introduction détournée de viande étrangère devant la saisie, par l’Angleterre, de quatre navires qui apportaient en Danemark la viande de Chicago. L’affaire avait été pourtant bien machinée : des agens allemands étaient venus s’installer dans des hôtels de Copenhague ; ils y avaient constitué une société danoise, ou mieux