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mais l’application de la vieille formule : « Faute de grives on prend des merles » et même des moineaux.

Leurs orateurs ont beau déclarer que « la science et la technique allemande ont découvert et mis en pratique de nouveaux produits de substitution qui nous permettront de « tenir » et. seront après la guerre une richesse durable, » croyez bien que les bourgeois cossus d’outre-Rhin ne font sur leur table aucun usage de ces produits si savamment « substitués. » Les citoyens pauvres ne leur témoignent pas moins de méfiance, et c’est par contrainte qu’ils absorbaient dans leur pain le son dont les animaux étaient privés. Quant à ces derniers, vaches ou chevaux, incapables de protester contre les fourrages artificiels, fabriqués avec un mélange de sciure de bois, que leur préparait l’ « Association de fourniture des Agriculteurs, » ils maigrissaient à vue d’œil. ils ne se sont pas mieux trouvés de la merveilleuse découverte qui consiste à amalgamer, pour le bétail, de l’ammoniaque avec du sucre et de la levure.


II

L’Allemagne n’est pas en danger de manquer de viande, si l’on en croit l’affirmation de M. de Bethmann-Hollweg que, depuis le mois d’avril 1915, le troupeau s’était accru de 4 p. 100 pour les moutons, de 10 pour 100 pour les chèvres et de 16 pour 100 pour les porcs, dont l’effectif, disait le chancelier, était, au commencement de 1916, de vingt millions.

On admettra pourtant que nos ennemis ne sont pas fort à leur aise en voyant leur réglementation touffue, et d’ailleurs contradictoire sur cet article : les variations du gouvernement à ce sujet sont pleines d’indications sur les espérances et les embarras de l’Allemagne,. En temps de paix, ce pays importe 40 pour 100 de sa consommation fourragère ; c’est la pénurie de fourrages qui a engendré la crise de la viande. L’importation du bétail, sur pied ou abattu, ne représentait que 225 millions de francs, et les quantités introduites venaient surtout des Pays-Bas, du Danemark ou de la Suisse ; tandis que le maïs, l’orge, les tourteaux et le riz faisaient ensemble plus d’un milliard de francs.

Au début, l’Allemagne, estimant que la guerre serait courte, que les stocks nationaux et les ressources considérables de