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Mais il était dès avant la guerre aussi différent de Shaw et de Wells par le tempérament qu’il se rapprochait d’eux par ses idées. Celait avant tout un psychologue, et ses romans fameux tels que Les Pharisiens de l’île et l’intraduisible Man of Property se distinguaient par un sérieux dans la satire même, un besoin de justice et de vérité, qui témoignaient d’une conscience scrupuleuse jusqu’à l’inquiétude.

La souffrance de cette conscience, lorsque la guerre fut déclarée, ne pouvait s’étourdir par des paradoxes brillans ou de téméraires visions d’avenir. Il semble qu’il ait d’abord éprouvé une stupeur douloureuse. Il connut ce noble tourment dont souffrirent à la fin du XVIIIe siècle les Coleridge et les Wordsworth mis en demeure d’opter entre leur patriotisme et leur amour de la Révolution française. Pour Galsworthy, il s’agissait de savoir s’il approuverait la participation de l’Angleterre à la guerre continentale. Il n’avait, pas plus que Wordsworth, la faculté de s’aveugler sur les défauts ou sur les responsabilités antérieures de son pays. Si le crime présent de l’Allemagne éclatait aux yeux, il n’en était pas moins certain que l’Angleterre avait été conquérante et accapareuse dans le passé.

Où d’autres se jetaient, le cœur léger, dans la mêlée, Galsworthy pesait donc le pour et le contre, et c’est après un examen poignant que dans le même Credo il concluait pour sa patrie et pour la guerre :


Je ne crois pas que le chauvinisme jaloux et apeuré ait jamais été plus que la frange sale du pacifisme anglais, et je proclame ma foi sacrée que ma patrie est entrée en guerre, non par peur, ni par espoir d’agrandissement, mais parce qu’elle le doit, pour l’honneur, pour la démocratie, et pour l’avenir de l’humanité.


Depuis le jour où il eut atteint cette conclusion, Galsworthy n’a plus cessé d’exprimer sa propre détermination de mener la guerre jusqu’au bout et d’inculquer à ses compatriotes, particulièrement à ces pacifistes parmi lesquels il se rangeait naguère, une résolution semblable à la sienne.

Il a voulu aussi expliquer le caractère de ses compatriotes aux étrangers, aux neutres. Et c’est ainsi que, l’année dernière, il était amené à écrire pour une revue d’Amsterdam un article qu’il intitulait Diagnostic de l’Anglais. Il ne semble pas que cet