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à la Grande-Bretagne cette absolue prédominance maritime en quoi l’Entente met un de ses plus fermes espoirs de victoire définitive.

Croquis vifs et elliptiques, raccourcis parfois déconcertans, notes trop succinctes pour supporter d’être analysées, qu’il faut lire intégralement et compléter en les lisant, vibrations successives d’un œil rapide, — tout le contraire de ce journalisme qui, autour d’une seule maigre impression, d’un pauvre fait isolé, accumule indéfiniment les mots.

Et, tout le temps, Kipling a un objet pratique. A l’Angleterre encore déconcertée par la grandeur des sacrifices spontanés que lui offrent tant de ses enfans, il s’acharne à faire sentir les devoirs que cette abnégation impose au reste du pays. Il admire les volontaires et réclame pour eux l’unanime admiration :


Dieu sait qu’ils se donnent assez de peine, ces soldats, ces sous-officiers et ces officiers, avec cette manière masquée et cette sourdine de nos hommes quand nous sommes réellement au travail. Ils sont tous au commencement des choses ; ils créent dans le chaos ; ils font face aux nécessités à mesure qu’elles apparaissent ; ils trouvent des pierres d’achoppement dans toutes les directions et ils les écartent à force de simple bonne volonté, de bonne humeur, d’abnégation, de sens commun, et autres vieilleries de rebut...


Car toute l’Angleterre ne s’est pas mise en mouvement d’un coup, et Kipling attaque avec une mordante ironie ceux de ses compatriotes qui n’ont encore incliné aucune de leurs commodités personnelles devant les besoins de l’heure, ceux dont le paisible et décent confort entend n’être pas dérangé d’une ligne par le tumulte des apprêts militaires. Il nous montre autour du manoir ce parc dans lequel manœuvrent des artilleurs, mais avec défense expresse de passer sur le terrain de golf, — défense très gênante, car, comme le dit à Kipling un des canonniers : « Ça vous coupe vos effets de tactique. » Et Kipling d’ajouter : « L’impudence parfaite, comme la parfaite vertu, est inexpugnable, et, après tout, les éclairs de cette guerre qui ont mis en relief tant de résolution et d’esprit de sacrifice, doivent également faire ressortir certaines âmes et certaines institutions qui sont incorrigibles. »

Ailleurs, il nous promène dans un camp de magnifiques volontaires canadiens, tous en pleine activité, et il nous trace