Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

achever un sans être monotones, à côté, ou inintelligibles, ou en contradiction avec vous-mêmes, ou à bout de forces... Nous ne pouvons pas croire ce que vous nous dites de votre éducation supérieure, à cause de la manière dont vous le dites. Si un Anglais dit : I don’t make no mistakes in English, not me, nous pouvons comprendre sa remarque, mais non y souscrire. Dire : « Je parler le Frenche language, non demi » est compréhensible, mais non convaincant.


Mais à tant insister sur la préface, on manque de temps pour le livre lui-même. Le voici en quelques mots : pour aider les Allemands qui ne savent pas s’y prendre, Chesterton dira, lui, les vrais crimes de l’Angleterre. Dans ce dessein, il parcourra à grands pas l’histoire entière de son pays. Sa brochure est le pendant anglais de l’Histoire de deux Peuples, par Jacques Bainville, où toute la politique ancienne et moderne de notre patrie est jugée sur ses relations avec l’Allemagne, approuvée si elle combat l’Allemagne, honnie si elle s’accorde avec elle. De même, selon Chesterton, toutes les fois que l’Angleterre s’est associée avec la Prusse, qu’elle a subi l’influence germanique, et pris l’Allemagne pour modèle, elle a dévié de sa vraie voie, elle a mis en péril son intérêt et son idéal. L’infatuation pour Luther, pour Frédéric le Grand (dit le héros protestant), pour Blücher, autant d’étapes vers le cataclysme actuel. C’est la politique à la prussienne qui a si longtemps désolé l’Irlande. Une des pires bévues des dernières années a été la remise d’Héligoland au Kaiser. Carlyle, enthousiaste du germanisme et sinistre glorificateur de 1870, a tourné la tête à la Grande-Bretagne. Son influence néfaste a conduit sa patrie au bord de l’abime. L’Angleterre n’a commencé vraiment à réparer ses erreurs qu’en prêtant son concours à cette bataille de la Marne, qui a sauvé le monde de la nouvelle invasion des Barbares.

Il est douteux que les historiens de l’avenir contresignent la doctrine de Chesterton sans lui demander des retouches. Mais la thèse est originale, opportune, et, jusque dans ses excentricités, donne à réfléchir. Après tout, la guerre est comme la lentille du microscope qui, dans la tache imperceptible à l’œil nu, fait surgir le monstre jusqu’alors insoupçonné.


L’intrépidité avec laquelle Chesterton explore le passé a pour pendant celle de à G. Wells à explorer l’avenir. Peu