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comme Shaw la thèse allemande, il la relève et la combat point par point. Aux Allemands qui excusent leurs péchés en invoquant les velléités de pécher qui ont dû exister chez leurs adversaires, Chesterton réplique qu’il s’en tiendra aux faits constatés, aux actes accomplis. : « Si l’on dit que les Français voulaient attaquer les Allemands, il suffit de répondre que les Allemands ont attaqué les Français. » Mais tout le passage est intéressant :


Ici comme ailleurs, je crois que les professeurs semés sur toute la plaine de la Baltique manquent de lucidité et du pouvoir de distinguer les idées. Naturellement il est très vrai que l’Angleterre a des intérêts matériels à défendre et qu’elle se servira probablement de l’occasion offerte de défendre ces intérêts, ou, en d’autres termes, que l’Angleterre, comme tout le monde, serait plus à l’aise si la Prusse était moins prédominante. Le fait reste que nous n’avons pas fait ce qu’ont fait les Allemands. Nous n’avons pas envahi la Hollande pour saisir un avantage naval et commercial, et ils ont beau dire, soit que nous aurions voulu le faire dans notre cupidité, soit que nous avons eu peur de le faire dans notre couardise, le fait reste que nous ne l’avons pas fait. À moins de tenir devant nos yeux ce principe de bon sens, je ne conçois pas comment on pourrait jamais juger une querelle. Un contrat peut être passé entre deux personnes uniquement pour des avantages matériels de côté et d’autre, mais on suppose en général que l’avantage moral demeure à la personne qui respecte le contrat. Assurément il ne peut pas être malhonnête d’être honnête, — même si l’honnêteté est la meilleure politique. Imaginons le dédale le plus complexe de motifs indirects, il n’en reste pas moins que l’homme qui tient sa parole pour de l’argent ne saurait être pire que l’homme qui manque à sa parole pour de l’argent… On peut qualifier l’Angleterre de perfide en manière de résumé historique et déclarer qu’on est convaincu dans son for intérieur que M. Asquith avait juré dès sa petite enfance la ruine de l’Empire germanique, — que c’est un Annibal et un haïsseur des aigles. Mais tout cela dit, c’est un non-sens de traiter un homme de perfide parce qu’il tient sa promesse. Il est absurde de se plaindre de la trahison soudaine d’un homme d’affaires parce qu’il aurait observé ses engagemens avec ponctualité, ou de la secousse déloyale donnée à un créancier par son débiteur qui lui aurait payé ses dettes.


De la même manière Chesterton établira que l’Allemand est le barbare par excellence. Car le vrai barbare n’est pas celui qui est moins cultivé, dont la civilisation retarde. Ce n’est pas le nègre d’Afrique ni le Canaque de la Nouvelle-Calédonie. C’est celui qui se dresse contre la civilisation, qui en nie et combat le principe essentiel. C’est l’Allemand qui renie la parole donnée et n’admet même pas qu’il y ait pour l’homme un devoir qui