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Ce qui dépend de nous, c’est d’avoir, demain non moins qu’aujourd’hui, la volonté ferme de maintenir, non en paroles, mais en réalité, les principes sacrés pour lesquels nous luttons : la liberté et la dignité humaine, l’indépendance des nations grandes et petites, le respect de la justice et de la morale dans les rapports entre les peuples comme dans les relations des individus.

Ce qui dépend de nous, c’est de nous rendre compte du danger mortel qui nous menacerait, si, considérant cette guerre comme un simple cauchemar, effroyable, sans doute, mais passager, nous nous imaginions que nous pourrons, la paix signée, reprendre notre vie au point où nous l’avons laissée en juillet 1914.

Nous sommes dûment avertis. Les menaces de l’empereur allemand, du général F. von Bernhardi, des interprètes officiels de l’idée allemande n’étaient pas de vaines paroles. L’Allemagne fait, de la domination sur l’univers, et en particulier de la mutilation et de l’asservissement de la France, une condition de son existence. Weltherrschaft oder Niedergang ! « Hégémonie universelle ou décadence, » c’est sa devise. L’Allemagne croit, d’ailleurs, de longue date, et, par-dessus tout, à la toute-puissance de l’idée pour créer le fait, de la volonté et de l’organisation pour produire la force morale, l’union, l’enthousiasme et la persévérance, aussi bien que la force matérielle. Ce n’est pas la quantité de force visible qui lui restera après la guerre, qui sera la mesure des périls qu’elle pourra encore faire courir à l’humanité, c’est la persistance de sa volonté de domination, d’agrandissement et d’oppression. Latente, invisible, dissimulée, niée, cette volonté, si nous jugeons de l’avenir par le passé, subsistera. Et qu’est-ce qu’un traité de paix ? Qu’est-ce que des engagemens allemands ? La sincérité allemande consiste à employer, en conscience, les moyens les plus propres à tromper les autres au profit de l’Allemagne.

Nous ne saurions manquer de comprendre, désormais, que prêcher le désarmement, c’est vouloir se livrer à l’Allemagne, et que pacifisme signifie, en fait, consentement à la germanisation de l’univers. Ce n’est pas par hasard que le prix Nobel de la paix était, en 1914, promis à Guillaume II.

Et nous aurons constamment présente à l’esprit cette pensée,