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vouloir, en vertu d’un prétendu libre arbitre individuel, c’est-à-dire en vertu d’une puissance particulière, insurgée contre le Tout, mais bien à identifier sa volonté avec celle du Tout, qui est Dieu. Partageant avec Dieu la nécessité d’expansion qui caractérise l’infini, l’Allemagne se dilate, et se fait, naturellement, le champion de la nationalité et de la liberté des peuples. En vain ceux-ci se croiraient-ils en possession de leur personnalité et de la volonté de se développer selon leur génie : s’ils résistent aux directions de l’Allemagne, leur sentiment les trompe. Ce n’est qu’en puisant à la source divine de l’être et de la conscience, que l’homme peut se former une personnalité réelle, vivante, digne et capable de subsister. Les nations, les individus ne deviendront eux-mêmes, ne revêtiront une nationalité et une liberté, non plus imaginaires et anarchiques, mais affectives et douées d’un caractère moral, que le jour où elles parviendront à penser et à agir, non seulement sous la direction de l’Allemagne et en vue de la grandeur allemande, mais encore par la vertu de l’âme allemande elle-même, de telle sorte qu’elles puissent proclamer : ce n’est plus moi qui vis, c’est l’Allemagne qui vit en moi.

Unes avec l’Allemagne par la conscience et par la volonté, elles ne seront plus, à proprement parler, les instrumens de l’Allemagne. Elles seront vraiment elles-mêmes, vraiment libres, puisqu’elles se détermineront d’elles-mêmes à servir l’Allemagne. Unité de l’individu avec le Tout, Einheit des Einzelnen mit dem Ganzen : telle est la définition allemande de la liberté.

Ainsi s’accomplira, dans toute son ampleur, la tâche de l’Allemagne, que l’on pourrait résumer par ces mots : recréer le monde, en y infusant l’âme allemande.


Tel est le plan divin. Comment procédera l’Allemagne pour le réaliser ?

La méthode qu’elle s’est faite résulte d’une doctrine qui est, semble-t-il, l’une des plus caractéristiques de la pensée allemande.

Les Grecs, en distinguant avec insistance, dans les choses, deux élémens, qu’ils appelaient la matière et l’esprit, voulaient dire que les lois de ces deux essences différaient radicalement.