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Par là se déterminent les fins vers lesquelles doit être orientée la marche de l’humanité.

Il convient, à cet égard, de distinguer entre le rôle qui appartient à l’Allemagne, et celui qui convient aux autres nations. Alexandre de Humboldt écrivait : « Il n’y a point de race dont on puisse dire qu’elle est plus noble que les autres : toutes sont également destinées à la liberté. » Fausse doctrine, conçue sous l’influence française. L’Allemagne tient à Dieu immédiatement, elle est la race de Dieu, la race noble par excellence. L’Empereur allemand peut dire : « Moi et Dieu. » Les autres nations ne sauraient entrer en rapport avec l’Eternel que par l’intermédiaire de l’Allemagne. Dès lors, l’Allemagne n’a pas à prendre en considération les besoins, les vœux, la morale, les droits des autres nations. « Une seule voix plus celle de Dieu, dit Guillaume II, forme toujours la majorité. » C’est pourquoi la maxime allemande, c’est proprement la formule par laquelle Gœthe termine Hermann et Dorothée :


Dies ist unser ! so lass uns sagen und so es behaupten !


« Ceci est nôtre ! Voilà le principe qu’il nous faut maintenir envers et contre tous. »

L’Allemagne ne doit penser qu’à elle. L’égoïsme est sa loi. La raison en est simple : elle porte en elle tout ce qui peut honorer et grandir l’humanité, tandis que les nations de la terre, les enfans des hommes, ne représentent que des formes dérivées et inférieures de l’être. L’Allemagne comprend à fond et estime à leur juste valeur les idées, l’histoire, la langue, les aspirations des peuples. Mais les peuples ne peuvent comprendre et apprécier ce qui concerne l’Allemagne. C’est ce que les Allemands ne se lassent d’expliquer à l’univers. Voici, par exemple, en quels termes le philosophe Wilhelm Wundt, dans un opuscule intitulé : Die Nationen und ihre Philosophie, 1916 (p. 78), apprécie la collaboration apportée par les Français, avant la guerre, à la préparation d’une édition interacadémique des œuvres de Leibnitz : « Les Français ont proposé à l’Association internationale des Académies de confier à l’Institut de France et à l’Académie de Berlin la tâche de publier, en commun, une édition complète des œuvres de Leibnitz. Mais, précisément, les idées qui forment le fond de la philosophie de Leibnitz sont demeurées étrangères à l’intelligence française.