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L’esprit allemand conçoit le Tout, et il est seul à le concevoir. Or, l’idée du Tout est telle qu’on ne peut la concevoir véritablement que si l’on est, soi-même, l’égal du Tout, un avec le Tout.

Très profondément et très doctement, a priori et a posteriori, en particulier par l’analyse des caractères de la langue allemande, langue primitive par excellence, type de la vie en face des langues mortes du monde latin, le philosophe Fichte démontra aux Allemands que la conscience allemande ne fait qu’un avec la conscience de l’univers. L’Allemand peut, dès lors, en tout domaine, remonter à la source même de l’être et de la vie. Il lui est loisible, en se repliant sur lui-même, d’assister, de participer à la création même des choses, de les voir du dedans, intuitivement, dans leurs causes génératrices, dans la raison et la loi de leur existence. Les autres hommes au contraire, ne peuvent apercevoir les choses que du dehors, au moyen de concepts, dans leurs résidus morts et inertes. Ils voient les fleurs figées dans l’herbier : l’Allemand a conscience de la force qui les fait jaillir de leur semence.

Or, l’Esprit universel, réalisé dans le génie allemand, est essentiellement puissance d’organisation. L’Allemand est donc, lui seul, en possession du secret de l’organisation universelle. Les autres peuples peuvent essayer d’imiter l’organisation idéale, comme un peintre imite les couleurs de la vie. Mais cette imitation est vaine, parce qu’elle est faite du dehors, et que l’œuvre de la vie ne saurait être accomplie en juxtaposant des pièces matérielles, impénétrables les unes aux autres.


Dann hat er die Teile in seiner Hand,
Fehlt, lelder ! nur das geistige Band.


« Il tient en ses mains les parties ; mais, hélas ! le lien spirituel lui manque. »

L’Allemand, qui est le confident, l’alter ego de Dieu, voit, en lui-même, toute activité, toute semence :


schaut alle Wirksamkeit und Samen.


Il lui appartient donc d’organiser le monde par la vertu de l’idée du Tout et des idées secondaires qui en émanent. C’est son affaire de composer, au moyen des nations humaines, un système humain universel, de plus en plus cohérent, puissant, pacifié et durable.