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un tel privilège. Cette raison est la systématisation, l’organisation, laquelle du multiple fait une unité, des individus un tout. L’idée se dresse, dès lors, en face du désordre et de l’individualisme, comme l’affirmation de l’excellence et du triomphe nécessaire de l’unité, de l’organisation. L’idée est le commandement de réaliser le Tout comme unité.

Cette idée, tout d’abord, ne possède qu’une part infiniment petite de réalité objective. Issue du réel, toutefois, elle est capable d’agir sur le réel ; et, peu à peu, grâce à la méthode avec laquelle elle échelonne et additionne ses conquêtes, elle se fait un corps et devient capable de tenir tête, victorieusement, aux hordes désordonnées des forces élémentaires. Cette lutte de l’idée contre le règne anarchique des individus est la seconde phase du développement de l’être.

La troisième est l’organisation, non plus seulement d’un noyau central, mais du monde entier ; c’est l’unification, s’étendant méthodiquement, se faisant plus étroite et plus parfaite, à mesure que, grâce à leurs défaites mêmes dans leur lutte contre l’idée, les individus et groupes humains s’affranchissent de leur prétention à l’individualité et à l’indépendance.

Tel est le plan divin. Il enveloppe, évidemment, a priori, une absolue nécessité de réalisation. D’ailleurs, nous n’avons qu’à regarder autour de nous, pour constater qu’il se réalise, en effet, d’une façon irrésistible.

L’idée a jailli et s’est levée, et elle n’est pas demeurée à l’état d’idée pure ; mais elle s’est faite chair et elle a habité parmi nous : elle s’est incarnée dans la nation allemande. L’Allemagne, ou la nation teutonne, est la nation par excellence, car la mot thiud, racine de deutsch (thiudisks), veut dire nation ; et Allemand, suivant Fichte, c’est All — Mann, c’est-à-dire l’homme universel.

La nation germanique a surgi, comme l’opposé de la dissolution, de la corruption gréco-romaine. Les essais d’organisation qui s’étaient produits dans l’ancien monde, comme ils ne procédaient pas de l’esprit, n’étaient que des tâtonnemens, destinés à préparer l’organisation teutonne.

L’Allemagne s’est révélée dans la forêt de Teutoburg, en l’an 9 après Jésus-Christ, comme une puissance, non seulement opposée à la puissance latine, mais essentiellement guerrière. Et en effet, ce n’est pas dans les temples sereins de la sagesse classique,