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à mort, use indistinctement de tous les moyens dont il peut disposer pour faire face à ses ennemis. La lutte finie, l’organisme, ayant retrouvé la sécurité, reviendra, tout naturellement, à son état antérieur.

Explication de naturaliste, indifférent aux enseignemens de l’histoire, objectent ceux qui ont observé l’évolution dont l’Allemagne a offert le spectacle, particulièrement depuis 1864. Mais, parmi ceux-ci, plusieurs se contentent d’admettre qu’en Allemagne, par suite de l’hégémonie de la Prusse, le militarisme s’est peu à peu implanté. Brisez, disent-ils, le militarisme prussien, et l’Allemagne reconnaissante redeviendra la nation pacifique et idéaliste dont le monde observait avec sympathie la prospérité.

En face de ces interprétations, plus ou moins optimistes, s’en est produite une autre toute différente. Recherchant le passé le plus reculé de l’Allemagne, nombre d’érudits ont pensé y trouver la preuve de la persistance, à travers les siècles, d’une Allemagne toujours la même dans son fond, quelles que fussent les effusions superficielles de ses théologiens, de ses philosophes, de ses poètes, de ses musiciens. Et cette Allemagne éternelle ne différait point de celle-là même que nous avons sous les yeux. Rêver une conversion de l’esprit allemand serait aussi insensé que de s’attendre à la transformation d’un loup en agneau.

Mon esprit est, je l’avoue, obsédé par ce problème, que je vois renaître dans tous les livres qui m’arrivent de l’étranger, dans toutes les conversations que j’ai avec des neutres. Me permettez-vous, Monsieur le Directeur et cher Confrère, d’indiquer la solution que je serais disposé à y donner ?


Des théories et de la pratique actuelles, je trouve les germes, non seulement dans l’Allemagne du Moyen Age, si laborieusement et peut-être si incomplètement convertie à la doctrine chrétienne du Dieu d’amour et de bonté, mais encore dans l’Allemagne moderne et idéaliste, dans celle que, volontiers, l’on oppose radicalement à l’Allemagne actuelle. Kant, par exemple, a composé un traité de la paix perpétuelle. Or le même Kant, dans son opuscule sur l’'Iidée d’une histoire universelle (1784), écrit : « Grâces soient rendues à la nature pour