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M. Woodrow Wilson l’annonce donc au Congrès : « Conformément à la conception admise des droits de l’humanité, nous avons le devoir de prendre position, maintenant, avec la plus grande solennité et avec la plus grande fermeté. J’ai pris position et je l’ai fait avec la certitude que vous m’approuverez et que vous me soutiendrez. »

Auprès de ce grand événement, peut-être de ce grand commencement d’événemens, tout le reste pâlit. Nous n’avons plus aujourd’hui assez de place pour étudier, comme nous l’aurions voulu, les conditions particulières de la neutralité de chacune des autres Puissances. L’occasion se présentera de les examiner dans le détail. Mais, en gros, ou en somme, leur situation, principalement celle des États du Nord, de la Scandinavie et des Pays-Bas, est, du grand au petit, très analogue ; et, le fond étant identique, il n’y aurait qu’à faire, par rapport à ce total, la différence de leurs « équations personnelles. »

Cette analogie, cette identité, c’est ce qui permet à M. Woodrow Wilson de dire : « Nous devons agir, nous le devons au respect de nos propres droits, et à notre sens du devoir comme représentans des neutres du monde entier. » A interpréter largement les mots, elle serait ainsi virtuellement, pratiquement faite, cette Ligue des neutres dont on a plusieurs fois parlé, dont il y eut dans le passé des exemples, et dont l’idée serait venue, ou aurait été suggérée, tour à tour, en Suède, en Roumanie, dans l’Amérique du Sud. Mais elle ne se fait pas pour insinuer, s’il est désormais acquis qu’elle ne saurait être imposée, « la paix allemande, » laquelle d’ailleurs ne parviendrait pas plus à s’insinuer qu’à s’imposer. Le fond identique de la situation des Puissances neutres dans le monde entier, c’est que toutes ont été atteintes « par la violation évidente des préceptes et des droits de l’humanité ; » que toutes ont eu des navires coulés corps et biens, contre tout droit et toute humanité ; que toutes comptent et pleurent des victimes parmi les milliers de neutres ou de non-combattans qui dorment, non vengés, dans les profondeurs de l’abîme ; que toutes sont travaillées intérieurement par l’or allemand, la presse allemande, l’espionnage allemand ; que, chez toutes, quelque Allemand ou quelque suppôt de l’Allemagne prétend mettre l’Allemagne au-dessus de tout, et que par conséquent pas une d’elles n’est plus maîtresse chez elle.

Le jour devait venir, et, s’il n’est encore venu, il est proche, où personne, dans le monde civilisé, ne pourrait rester neutre, et ne point cesser d’être libre, ni cesser d’être humain. Enfin, « le monde entier, » pour reprendre une phrase célèbre, crie contre « une