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Espagne, Roumanie, Grèce, tirent peut-être de la mer, à des degrés divers et avec des étendues de côtes, avec des ressources très différentes, plus de vie qu’ils ne lui en rendent ; la Grèce ne peut vivre que d’elle : hors du milieu marin, elle dépérit et s’éteint en quelques jours. Au centre des terres, la Suisse est, pour son approvisionnement, dépendante de ses voisines ; elle a besoin d’une issue ou plutôt d’une entrée, d’un accès et d’une route, vers l’un ou l’autre des marchés du monde.

Mais cette conflagration de l’univers, où a été jetée plus de la moitié du genre humain, ne touche pas seulement l’Europe, ni seulement les possessions ou les colonies extra-européennes des États européens. Déjà le Japon, en Extrême-Orient, s’y est volontairement mêlé. Dans l’hémisphère occidental, il ne s’est pas, depuis deux ans bientôt, passé un mois, sans que les États-Unis se soient vus contraints ou se soient crus obligés d’élever quelque protestation, de faire entendre quelque avertissement. Et ce ne serait pas assez de dire « l’Amérique : » on doit dire « les Amériques, » celle du Sud comme celle du Nord ; car pas une des vingt et une républiques de l’énorme continent n’est restée et ne saurait rester absolument indifférente ; certaines, même, de ces républiques latines, l’A. B. C, l’Argentine, le Brésil, le Chili, ont ressenti profondément, comme toujours, en leur population hétérogène, traversée de courans opposés, les secousses du tremblement de terre.

Ainsi que leur situation géographique et politique, la situation juridique de toutes ces Puissances neutres, européennes ou non, n’est pas, dans la forme, entièrement la même. Le Recueil des Documens intéressant le droit international (guerre de 1914) ne contient aucune déclaration spéciale de neutralité pour les États scandinaves, ni pour la Grèce, ni pour la Roumanie. Au contraire, les Pays-Bas ont proclamé, dès le 5 août 1914, leur neutralité dans la guerre entre la Belgique et l’Allemagne, entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne ; l’Espagne, le 7 août, a proclamé la sienne dans les guerres entre l’Allemagne, la Russie, la France et la Grande-Bretagne, entre l’Autriche-Hongrie et la Belgique ; elle en a fait autant, chaque fois qu’un nouvel État est venu se joindre aux belligérans. Avant la Hollande et l’Espagne, au premier jour, le 4, la Suisse s’était déclarée neutre, avec une solennité qui prouve combien elle savait sa position délicate. De ce premier jour aussi, 4 août, est la « proclamation de neutralité rendue par le Président des États-Unis d’Amérique à l’occasion des guerres entre l’Autriche-Hongrie et la Serbie, l’Allemagne et la Russie, l’Allemagne et la France, » complétée ensuite, du 5 août au