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et l’inconvénient d’obliger l’hiver un grand nombre de gens à se lever contre leur gré à la chandelle, ce qui les ramènerait insensiblement aux anciennes habitudes et détruirait, par répercussion, petit à petit, en vertu d’un nouveau décalage progressif de la vie vers le soir, les heureux effets de la réforme. L’autre système consiste à rétablir pour les mois d’hiver l’heure du méridien de Greenwich ; cela aura l’inconvénient d’exiger deux coups de pouce par an aux pendules. Les compagnies de chemins de fer consultées déclarent que ce ne sera qu’un jeu pour elles, d’autant qu’elles feront coïncider ces changemens avec leur transformation bisannuelle déjà existante des horaires d’été en horaires d’hiver et réciproquement. Quant aux autres collectivités et aux particuliers, rien ne leur sera plus facile que ce petit changement que connaissent tous ceux qui ont traversé l’Océan ou seulement la frontière suisse : il n’est pas plus pénible d’avancer ou retarder sa montre d’une heure que de la remonter.


On a dit aussi qu’il n’y avait pas de raison, si on avance les pendules d’une heure, de ne pas porter cette avance à deux ou trois heures. L’argument ne porte pas. Il y a une chose qui limite pratiquement et qui impose la grandeur de l’avance de l’heure : c’est la quantité dont notre vie civile est aujourd’hui pratiquement décalée vers la nuit. Et il est facile de montrer, — l’espace me manque pour faire aujourd’hui cette démonstration, — qu’une heure d’avance rétablira très sensiblement notre vie dans la norme qui est le jour solaire vrai. En vivant plus au soleil et moins à la lumière artificielle, on améliorera sans aucun doute la santé générale de la nation, et c’est cette considération qui a rallié au projet Honnorat l’Académie des sports.

Il n’y a pas en effet dans le projet Honnorat seulement des considérations économiques à faire valoir. Outre les argumens financiers propres à émouvoir le très grand nombre de nos contemporains qui n’ont dans leur ciel terne d’autres étoiles que les gros sous, il y a des argumens d’un tout autre ordre et qui concernent la santé générale du peuple. Il n’est pas douteux en effet que la vie à la lumière du jour dans les rayons étincelans et microbicides du soleil, est plus saine, plus créatrice de joie, de santé, d’euphorie, que la pâle splendeur de la vie vespérale et nocturne. Ce n’est pas à démontrer, tous les médecins, tous les physiologistes le savent.

Il n’est point jusqu’aux poètes qui ne puissent trouver des raisons d’applaudir à la mesure projetée puisqu’on jouira mieux et