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Si d’ailleurs on avançait d’une heure l’heure légale française, le système des fuseaux horaires, qui, ne l’oublions pas, correspond à des nécessités pratiques mais non théoriques, ne cesserait pas d’être respecté dans son idée directrice. Cela provient de cette heureuse circonstance de fait que le fuseau oriental est bordé partout par l’Océan. En ce qui concerne les pays situés à l’Est de ce fuseau deux hypothèses peuvent se présenter : ou bien ces pays garderont l’heure du fuseau central et nous aurons la même heure qu’eux, ce qui sera sans inconvénient ; ou bien ils avanceront également leur heure légale ; telle paraît bien être leur intention, et une dépêche nous apprend notamment qu’un décret paru il y a quelques jours dans le Journal officiel de Budapesth décide l’avancement de l’heure légale en Hongrie à partir du premier mai. Une autre dépêche plus récente annonce que la même mesure a été prise aussi en Autriche. Dans ce cas, si la France a également avancé son heure légale, celle-ci différera toujours de 60 minutes de celle qui est adoptée dans le fuseau central ; sinon, l’heure française retarderait de deux heures sur celle-ci, ce qui aurait des inconvéniens pratiques qui sautent aux yeux. Donc, dans tous les cas, au point de vue du système des fuseaux, l’adoption du projet Honnorat ne peut avoir que des avantages et aucun inconvénient.

On a émis aussi la crainte que l’adoption de ce projet ne porte un coupa la transmission radiotélégraphique de l’heure par la Tour Eiffel, telle qu’elle a été organisée par le dernier congrès de l’Heure. Cette crainte est chimérique, puisque l’heure envoyée par les stations radiotélégraphiques, du monde entier est toujours uniquement celle du méridien initial de Greenwich et nullement celle d’un autre fuseau.

On a invoqué contre le projet l’opinion hostile de certains savans. Mais d’autres non moins éminens se sont prononcés en sa faveur, notamment en France M. Painlevé et M. Appell, président de l’Académie des Sciences, en Angleterre sir William Ramsay, le savant peut être le plus éminent du Royaume-Uni, les célèbres astronomes Turner, Robert Bail, etc.

Au point de vue scientifique, la cause est entendue, et j’ajoute que même si, — ce qui n’est pas, je crois l’avoir démontré, — les intérêts de la science pouvaient être ici et momentanément en opposition avec l’intérêt public, celui-ci à l’heure où nous sommes devrait primer ceux-là. Mais le projet Honnorat est-il vraiment d’intérêt public ? C’est ce que nous allons voir maintenant.