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Cuverville, laisse de côté la question du méridien pour les cartes marines... Cette question est tout à fait indépendante de l’heure civile qui règle la vie économique du pays... Pour la marine la situation sera demain ce qu’elle était hier et ce qu’elle est aujourd’hui. » — Et M. Lallemand remarquait aussi, alors, que ce n’est pas l’heure scientifique, mais l’heure civile qui règle les chemins de fer et les postes. — Tout cela, qui était vrai lorsque « l’heure normale actuelle » était celle du méridien de Paris, ne l’est pas moins aujourd’hui que cette heure normale est celle du méridien de Greenwich.

Cela est même, si j’ose dire, plus vrai aujourd’hui qu’en 1911, car il est incontestable qu’au point de vue de la science et de la navigation, l’adoption de l’heure de Greenwich a eu l’inconvénient certain de périmer la valeur et l’usage de toutes nos belles cartes anciennes basés sur le méridien de Paris. Au contraire, aujourd’hui, qu’on avance et qu’on retarde les pendules d’une heure, il n’y aura pas à changer les cartes en usage, puisque l’heure sera basée sur le même méridien initial.

La vérité, et le bref exposé historique que j’ai fait ci-dessus suffisait déjà à le prouver, est que l’heure civile a depuis longtemps cessé d’avoir aucun rapport nécessaire avec l’heure vraie, dont elle est indépendante, et qui seule intéresse directement les astronomes et les savans. Si on modifie la constante arbitraire déjà ajoutée à la différence variable existant entre le temps moyen et le temps vrai, ils n’ont pas à s’en préoccuper.

L’Académie des Sciences a d’ailleurs parfaitement compris que la détermination de l’heure légale n’engage aucune question scientifique et, sollicitée de se prononcer contre le projet, elle s’est refusée à émettre un avis sur un problème qu’elle n’estime pas de sa compétence ni dans ses attributions. Elle est restée ainsi fidèle à l’attitude qu’elle avait adoptée lors des discussions passionnées que souleva naguère le remplacement de l’heure de Paris par celle de Greenwich. Le 25 juillet 1898, en effet, les secrétaires perpétuels de l’Académie, Berthelot et Bertrand, transmettaient au gouvernement la conclusion prise par l’Académie dans cette question et qui était que « ce système ne soulève aucune question de théorie qui puisse motiver l’intervention de l’Académie. En conséquence, elle est d’avis que le soin de se prononcer sur l’adoption de ce système doit être laissé aux pouvoirs publics, seuls compétens pour apprécier l’intérêt d’une telle mesure en ce qui concerne les relations commerciales, économiques et politiques du pays. » Tel est encore le cas aujourd’hui.