Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 33.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour compléter ce rapide historique, je dois rappeler qu’un congrès international de l’Heure, réuni à la fin de 1913 à l’Observatoire de Paris, a unifié et organisé la transmission radiotélégraphique de l’heure de Greenwich dans le monde. C’était moins d’un an avant la guerre. C’est là qu’on entendit le fameux professeur Wilhelm Fœrster, de Berlin, célébrer « la collaboration fraternelle du genre humain » et « la France qui depuis deux siècles marche à la tête de l’exploration scientifique du globe. » Il parlait vraiment très bien, ce vieillard, et avec des larmes dans la voix qui mouillaient son léger accent teuton. Depuis, il a signé le célèbre manifeste des 93...


Comme on le voit par l’exposé précédent, l’heure légale en France, l’heure qui règle les habitudes de notre vie civile a été fréquemment modifiée en des sens divers et principalement pour des raisons de commodité et d’adaptation à nos besoins. L’heure légale n’est donc nullement une sorte d’idole intangible qu’on ne peut toucher sans sacrilège ; ce qu’on a fait hier, ce qu’on a fait avant-hier, on peut le faire demain, si un progrès peut en jaillir dont profite la collectivité nationale. L’heure légale a montré assez de souplesse dans son histoire pour pouvoir subir un nouveau redressement, si l’utilité s’en fait sentir. Cette utilité existe-t-elle actuellement ? Toute la question est là.

Si un aviateur survolant en ce moment notre pays pouvait voir instantanément tout ce qui s’y passe, il constaterait qu’en cette saison, dans les cités et beaucoup de villages, un grand nombre de maisons sont encore closes et abritent des gens endormis longtemps après que le soleil déjà levé verse des torrens de lumière sur ceux qui le dédaignent ainsi. Si notre aviateur refaisait le même parcours après le coucher du soleil, il constaterait au contraire que les lumières artificielles sont allumées pendant longtemps presque partout.

Si on met à part les paysans qui règlent leur vie sur le lever et le toucher du soleil, — et encore cette règle n’est-elle qu’à peu près vraie, — la vie de la plupart d’entre nous est décalée par rapport au soleil, c’est-à-dire que nous vivons beaucoup moins avant le milieu du jour qu’après celui-ci. Il est incontestable en effet que notre vie sociale est réglée sur la pendule, non sur la marche réelle du soleil. La preuve, c’est qu’à Nancy et à Brest les mêmes heures correspondent aux mêmes occupations dans les industries, les administrations, les familles, bien que le soleil se lève et se couche dans la première de ces villes 43 minutes plus tôt que dans la seconde. Une autre preuve