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notables : elles sont de 37 secondes du Point-du-Jour au Pont de Charenton, de 20 minutes entre Paris et Nice, de 27 minutes entre Brest et Paris.

Longtemps chaque ville eut son heure locale. Cela n’avait pas d’inconvénient au temps des diligences, et tant que les bonnes gens, inscrites irrémédiablement dans le petit cercle de leur cité, voyageaient peu. Les chemins de fer et les télégraphes obligèrent à substituer à toutes les heures locales une heure unique pour la France, ce qui fut fait par une loi en 1891. Le temps légal pour tout le pays fut dès lors le temps moyen du méridien de Paris.

Puis nouveau changement. Pour des raisons d’unification internationale analogues aux raisons nationales, qui avaient motivé la loi de 1891, on a songé ensuite à n’avoir qu’une heure légale pour la terre entière. Mais il y a loin de la coupe des théories aux lèvres de la réalité. Et on dut renoncer bientôt à l’idée de l’heure unique universelle : on se serait malaisément habitué, en effet, à lire des dépêches ainsi conçues : « Hier, à Tokio, à midi, quelques instans avant le lever du soleil... » Sur l’initiative des États-Unis, on a finalement décidé que, faute de pouvoir marquer la même heure, toutes les pendules de la terre marqueraient simultanément la même minute ; la terre entière dans ce système est divisée en vingt-quatre fuseaux horaires, correspondant chacun à 15 degrés de longitude, étant entendu que l’heure légale de tous les fuseaux est fondée sur le temps moyen du méridien de Greenwich, cette heure étant la même à l’intérieur de chaque fuseau et augmentant ou diminuant exactement d’une heure, suivant qu’on passe dans un fuseau situé à l’Est ou à l’Ouest du précédent. C’est ainsi que l’Europe a été conventionnellement divisée en trois grands fuseaux.

Après de longues et, avouons-le, fort légitimes résistances, la France a adhéré à ce système qui a retardé de 9 minutes 21 secondes l’heure légale de la France, par une loi" votée par la Chambre des députés en 1898 et par le Sénat en... 1911, treize ans après. Ce précédent est assez piquant à l’heure où le projet de loi Honnorat, qui vient d’être adopté par la Chambre, parait rencontrer au Sénat un accueil un peu dénué de chaleur. Comme ce projet de loi ne prévoit l’avancement de l’heure légale que pour la durée de la guerre, il faut espérer que, si le Sénat a besoin de treize ans pour l’adopter, la loi sera devenue inutile... à moins qu’on ne l’ait modifiée pour la rendre applicable au temps de paix. Que voilà donc des causes d’ajournement en perspective !