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X

Résumons l’enseignement et les traits de cette longue bataille.

L’Allemagne, soit qu’elle voulût prévenir une offensive alliée, soit qu’elle eût besoin d’une décision prompte, prépara d’octobre à février, sur ce front français où elle n’avait jamais cessé de garder les deux tiers de ses forces, une action de première grandeur. Elle engagea dans cette action d’abord six et successivement jusqu’à trente divisions. En admettant qu’elle n’ait pas voulu au début donner à la bataille une importance capitale, il est évident que cette bataille a pris ce caractère.

Si l’on considère la bataille dans l’espace, après deux mois de lutte, les Allemands avaient obtenu les résultats suivans. Sur la rive droite de la Meuse, ils étaient parvenus dans notre secteur droit à la ligne des défenses permanentes de la place ; sur la ligne Douaumont-Vaux, ils avaient même écorné cette ligne à Douaumont ; dans le secteur gauche, ils étaient contenus sur un front en demi-cercle autour du ravin de Bras. Sur la rive gauche, ils avaient fait tomber la totalité de l’avant-ligne sur le ruisseau de Forges ; sur la ligne principale, composée de deux positions symétriques, le Mort-Homme et la colline 304, ils avaient abordé le Mort-Homme sans pouvoir s’en emparer ; ils n’avaient jamais pu attaquer directement la colline 304.

Si l’on considère la bataille dans le temps, les progrès allemands se décomposent en quatre phases : sur la rive droite, la presque totalité du gain a été faite du 21 au 26 février ; elle mesure par endroits 1 kilomètres de profondeur. Depuis ce moment, c’est-à-dire depuis plus de deux mois, la stagnation est absolue : les Allemands n’ont gagné que deux étroits lopins de terre : au centre, le village de Douaumont (4 mars) ; à l’Est, la moitié du village de Vaux (8 mars). Sur la rive gauche, le gain a été fait en deux grandes phases : du 6 au 10 mars, les Allemands ont fait tomber la partie droite de notre avant-ligne, et comme épilogue, ils ont pris le 14 la cote 265 ; — du 30 mars au 8 avril, ils ont pris la partie gauche de notre avant-ligne, et ils ont cru dès lors pouvoir donner l’assaut général du 9 qui a été désastreux pour eux.