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VIII

Dans cette journée du 25, les Allemands font encore de nouveaux progrès. Devant notre gauche, une patrouille de trois hommes apparaît à l’aube sur la cote 344 ; à deux heures de l’après-midi, toute la position est aux mains de l’ennemi ; en fin de journée, il a redescendu la pente Sud, et enlevé au pied de cette pente le moulin de Cotelettes, une de nos anciennes positions d’artillerie. Au centre, il enlève le village de Louvemont, et, continuant dans la direction du Sud, il vient attaquer la côte du Poivre. A notre droite, il enlève le village de Bezonvaux ; nos premiers élémens de soutien, qui avaient poussé le 24 au soir jusqu’au ravin de Bezonvaux, sont ramenés vers le Sud, et des élémens de IIIe corps brandebourgeois, poussant jusqu’à la ligne des forts de la défense permanente, pénètrent dans le fort de Douaumont.

C’est la fin de l’avance allemande. La réorganisation du commandement et de l’état-major, l’arrivée des renforts font maintenant sentir leurs effets. Le 26 au matin, cinq énergiques contre-attaques reportent le front en avant du fort de Douaumont ; un petit groupe de Brandebourgeois reste cramponné dans les ruines ; entouré de trois côtés, il réussit à maintenir par un boyau ses communications avec les lignes allemandes, et reste là en flèche.

C’est là le point essentiel. Plus à l’Est, l’ennemi réussit bien à s’emparer des positions d’Hardaumont. De même à notre gauche, maître de Samogneux, de la cote 344, et du moulin de Cotelettes, il pénètre dans la boucle que fait la Meuse, et occupe la partie Nord de cette boucle avec Champneuville ; mais nous gardons la partie Sud, qui domine par une crête nommée la côte du Talou. Cette boucle se trouve d’ailleurs dans une situation singulière. Si les Français se maintiennent dans la presqu’île qu’elle détermine, ils sont entourés par l’ennemi au Nord et à l’Est, par la Meuse à l’Ouest et au Sud, et ils risquent d’être entièrement cernés. D’autre part, si les Allemands essaient de s’y établir, ils tombent sous le feu des batteries françaises établies à l’Ouest de la Meuse, dans les ravins occidentaux du Mort-Homme. Intenable, pour l’un comme pour l’autre adversaire, la région est en quelque sorte neutralisée à partir du 27 février.