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La situation était si grave que le général commandant le groupe du centre, incertain de savoir si l’on tiendra sur la rive droite, donne aux troupes établies plus à l’Est en Woëvre, et qui, en cas de rupture du front de Verdun, auraient été très compromises, l’ordre de se replier dans la direction de l’Ouest, sur les Hauts-de-Meuse. Ce mouvement doit s’effectuer dans la nuit même du 24 au 25.

A ces nouvelles, le général Joffre constitue une nouvelle armée avec les troupes actuellement sur la rive gauche de la Meuse, et celles qui y débarqueront prochainement. Il met en même temps de nouveaux effectifs en mouvement. Cette nouvelle armée a pour mission, dans le cas où les troupes engagées seraient obligées de se replier sur la rive droite, de les recueillir, et, en tout cas, d’interdire le passage de la Meuse à l’ennemi.

Mais il faut voir la situation sur place. Dans cette même journée du 24, le chef d’état-major général, en plein accord avec le commandant en chef, qui lui donne pleins pouvoirs, part pour Verdun. Il s’arrête au quartier général du groupe du centre. Le moment est grave, certes, mais non désespéré. Les divisions de première ligne, qui se battent depuis quatre jours, ont dû céder le terrain ; mais elles ne sont pas submergées. Déjà les premiers soutiens sont arrivés ; le 20e corps a poussé une division sur la rive droite. D’autre part, l’ennemi, qui a avancé devant notre gauche de sept kilomètres, va être obligé de déplacer son artillerie. On a donc le temps, le 25, d’organiser les positions de combat sur la rive droite et de faire passer de nouvelles divisions. Dans ces conditions, il n’y a plus de doute. Après avoir prévu sagement le pire, le commandement français pouvait ordonner le mieux. On tiendra sur la rive droite. Le chef d’état-major téléphone au commandant de la région fortifiée de Verdun : « La défense de Verdun se fait sur la rive droite. Il ne peut donc être question que d’arrêter l’ennemi à tout prix sur cette rive. » Lui-même arrive à Verdun le 25 au matin et renouvelle son ordre : Tenir coûte que coûte, là où l’on est. — Enfin, dans la soirée, le général Pétain prend le commandement des troupes de la région fortifiée de Verdun et des troupes disponibles de la rive gauche. Il amène avec lui son état-major. Il a pour unique mission d’enrayer l’effort de l’ennemi.