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la partie Sud du bois des Caures, barrant ainsi la route qui descend de ce bois sur Vacherauville ; nous tenons enfin la Wavrille et l’Herbebois. En d’autres termes, notre ligne conversé autour de sa droite, qui a formé pivot et qui a tenu bon dans l’Herbebois. Notre gauche, au contraire, depuis le bois de Consenvoye jusqu’à Samogneux, a reculé de plus d’une lieue. Seule, à l’extrême gauche, la position de Brabant, négligée par l’ennemi, est restée en flèche, mais tellement aventurée qu’il faut l’évacuer dans la nuit du 22 au 23.

La journée du 23 s’annonce mieux. Sans doute, à gauche, l’ennemi tient Samogneux sous un feu d’enfer, qui nous interdit même de contre-attaquer. Mais, au centre, nous tenons bon des deux côtés de Beaumont, tête d’un ravin important ; du côté gauche, dans les fermes d’Anglemont et de Mormont ; du côté droit, dans un autre groupe défensif formé par la Wavrille et la cote 351. Enfin, à droite, à l’Herbebois, l’ennemi a attaqué de onze heures du matin à quatre heures du soir sans réussir à s’y établir.

Nous avons un récit pittoresque de ces combats de l’Herbebois. Là, comme au bois des Caures, la lisière Nord est un taillis épais, profond de 500 mètres, avec de gros arbres çà et là. En arrière, le taillis s’éclaire et se change en futaie ; mais cette futaie était elle-même transformée par les obus allemands en abatis. Il fallait ramper sous la neige dans un fouillis d’arbres abattus, élever des palissades et organiser les trous d’obus. Le 21, les Allemands s’emparèrent de la première ligne, si on peut donner ce nom à des sillons bouleversés et à un paysage lunaire d’entonnoirs. A quatre heures et demie du matin, le 22, contre-attaque des élémens français de soutien. La journée reste indécise. Dans la nuit du 22 au 23, bombardement épouvantable des Allemands ; mais, quand ils déclenchent l’attaque, bombardement des Français qui interdisent à l’infanterie d’avancer. Le 23, après un nouvel arrosage, l’ennemi attaque avec de très grandes forces : sur le front d’une compagnie, il avait, dit-on, la valeur d’un bataillon. Les Français l’attendent à cinquante mètres, et l’abattent par des feux de salves par sections. C’est un jeu de massacre où l’on voit les Allemands tomber en hurlant. Derrière eux, une nappe d’obus de 75 tombe en barrage et interdit le retour. L’attaque est anéantie. Cependant, les Allemands lancent quatre autres