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somme, l’artillerie qui conquérait, et l’infanterie qui occupait- On pensait, par ce procédé, avancer avec très peu de pertes.

En fait, notre infanterie a tenu. Sous ce feu d’enfer, il est bien évident que le défenseur doit s’abriter, s’accrocher où il peut, et le plus souvent reculer. Arrive le moment où l’assaillant lance son infanterie. Il est alors obligé d’allonger le tir de son artillerie, qui cesse d’être un tir de démolition pour devenir un tir de barrage. Il devient dès lors plus dispersé et n’est presque jamais absolument infranchissable. Une infanterie qui a du mordant revient reprendre ses positions à travers ce tir de barrage. Elle perd du monde, mais elle passe, et quand l’assaillant arrive à son tour devant les positions qu’il croit vides, elle le reçoit avec ses mitrailleuses.

Le plan d’ensemble des Allemands n’était pas moins bien calculé que leur tactique de détail. Ils avaient mis sur le plateau, à l’Est de la Meuse, trois de leurs quatre corps de choc : c’étaient, de leur droite (Ouest) à leur gauche, le VIIe de réserve, le XVIIIe et le IIIe. Le dernier, le XVe, était plus à l’Est, dans la plaine de Woëvre. Cette masse était elle-même encastrée dans l’armée du Kronprinz, qui avait serré, principalement sur sa droite, pour lui faire place. C’est ainsi qu’à l’Ouest de la Meuse, faisant face à nos positions de Forges, se trouvait le VIe corps de réserve, appartenant à cette armée. Au contraire, à l’extrême Est, en Woëvre, le XVe corps était prolongé par le Ve de réserve.

Ces corps n’ont pas été engagés en même temps. Le premier choc a été donné par les trois corps placés sur le plateau, à l’Est immédiat de la Meuse, devant le front qui va de Brabant à Ornes. Pendant ce temps, le XVe corps attendait, avec le dessein sans doute de se porter contre la droite française quand la victoire serait dessinée sur le plateau, et de compléter ainsi la rupture frontale par une attaque de flanc. Il n’eut d’engagées dans les premiers jours que quelques unités, qu’il détacha en soutien aux corps du plateau. L’armée du Kronprinz s’engagea plus tard encore, le VIe corps de réserve le 6 mars seulement, et le Ve corps de réserve le 8 mars. On peut donc admettre, comme nous l’avons déjà indiqué, que les Allemands comptaient sur une rupture brutale et centrale, les conséquences de cette victoire devant être ensuite exploitées par les ailes, qui se refermeraient pour ainsi dire sur les masses