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yeux des aviateurs, qu’un nuage traversé d’innombrables lueurs.

A quatre heures de l’après-midi, l’intensité du feu redouble. Enfin à cinq heures, la première attaque d’infanterie allemande est lancée contre notre centre, sur le bois d’Haumont et le bois des Caures. La bataille est engagée. C’est le moment de définir la tactique particulière que les Allemands y ont employée.

A l’époque de Napoléon, la tactique changeait tous les dix ans. Elle change aujourd’hui tous les trois mois. Celle qui a été suivie en Champagne, le 25 septembre, était fondée sur l’expérience de la bataille d’Artois du 9 mai. Les Allemands ont mis à leur tour à profit l’expérience de la bataille de Champagne, et voici le système qu’ils ont adopté.

Ils sont partis de cette idée que l’on ne pouvait faire lutter des hommes contre du matériel. En conséquence, ils ont mis beaucoup de soin dans la préparation d’artillerie, choisissant un objectif restreint, cinq cents mètres de front par exemple, qu’ils arrosaient d’une manière méthodique, jusqu’à les avoir transformés en labour.

Il est remarquable qu’ils aient creusé beaucoup moins de boyaux que nous ne l’avions fait. Ils n’ont pas établi de parallèles de départ. C’est la tranchée de première ligne qui en a servi, creusée d’abris profonds où les troupes s’entassaient, et protégée par une masse couvrante. Quand un de nos obus tombait dans ces agglomérations de soldats, il y causait des ravages. Ils n’ont pas cherché non plus à pousser ces tranchées jusqu’à la distance d’assaut. Dans certains secteurs, par exemple devant l’Herbebois, ils ont attaqué à la distance, presque incroyable dans la guerre actuelle, de 1 100 mètres.

Les assauts ont été exécutés sur des objectifs précis, démolis par l’artillerie. Pour s’assurer de l’écrasement de nos lignes, une reconnaissance conduite par un officier se portait en avant, forte à l’ordinaire d’une quinzaine d’hommes, mais en comprenant parfois jusqu’à soixante. Venait ensuite une ligne de pionniers et de grenadiers, puis la première vague d’assaut. Les vagues se succédaient à une centaine de mètres d’intervalle. — Si l’infanterie rencontrait un obstacle non détruit, elle devait s’arrêter et on recommençait la préparation d’artillerie. Si, au contraire, le nivellement de la position avait été suffisant pour que la défense fût impossible, elle prenait possession du terrain, s’y retranchait, et ne poussait pas plus avant. C’était, en