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V

Les Allemands ont cherché à Verdun la lutte décisive, soit qu’ils aient voulu devancer une offensive alliée, soit qu’ils aient eux-mêmes besoin d’une décision prompte... Cette résolution une fois prise, ils en ont poursuivi la réalisation avec une méthode irréprochable.

La première chose à faire était de préparer, pour livrer la bataille, une masse de choc fraîche. Ils l’ont fixée à quatre corps d’armée, formés chacun de deux divisions à trois régimens. Si l’on estime la division à 10 000 baïonnettes, on obtient un total de 80 000 fantassins. Il est probable que cette estimation est un peu au-dessous de la vérité.

En octobre 1914, c’est pareillement avec une masse de quatre corps que les Allemands avaient cherché à rompre le front allié en Flandre. Mais ils avaient alors doublé la puissance du choc par l’effet de la surprise, en jetant sur la ligne quatre corps neufs, qui n’avaient pas encore combattu. En février 1916, la capacité de l’Allemagne de former des unités nouvelles étant épuisée depuis longtemps, il a fallu prélever la masse de bataille sur les armées existantes ; et comme la densité sur le front russe est réduite depuis longtemps au strict minimum, il a fallu en fait prendre les unités sur le front français. L’Etat-major allemand a donc retiré de la 4e armée, celle qui combat de la mer à Ypres, le XVe corps ; de la 2e armée, celle qui combat sur la Somme, le XVIIIe corps ; de la 7e armée, celle qui combat sur l’Aisne, le VIIe corps de réserve ; enfin le IIIe corps, après avoir longtemps appartenu à la 1re armée, celle qui combat sur l’Oise, avait figuré, au moins par une de ses divisions, dans la bataille de Champagne, sur le front de la 3e armée ; il parait avoir fait ensuite la campagne de Serbie, mais derrière les Autrichiens, et sans être engagé.

Tous ces corps ont été mis au repos complet, loin du bruit du canon, et spécialement entraînés. Un détail permet de mesurer la durée de cet entraînement. C’est dans les derniers jours d’octobre que le VIIe corps de réserve a quitté le front, où il a été remplacé par le Xe, depuis le canal de l’Oise à l’Aisne jusqu’à Craonne. La période de préparation a donc duré quatre mois. En même temps, les Allemands faisaient revenir toute la