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boisées. Toute cette région, au moins à l’Est et au Sud-Est, est à peu près impraticable pour les grands mouvemens de troupes en dehors des routes frayées. » Il est donc naturel que les Allemands aient cherché pour l’attaque frontale la région la plus accessible, c’est-à-dire les régions Nord et Nord-Est.

Il existe une dernière raison qui peut avoir déterminé les Allemands à attaquer dans le secteur de Verdun ; c’est que cette place ne pouvait être alimentée, en dehors des routes, que par deux voies ferrées : l’une, au Sud-Ouest, est la grande ligne de Verdun à Reims par Sainte-Menehould ; elle passe sous le feu de l’ennemi et elle a été en effet coupée ; l’autre, au Sud, est le chemin de fer à voie étroite, dit chemin de fer meusien. L’Etat-major français a fait tout le possible pour augmenter le rendement de ce chemin de fer, qui atteint maintenant un débit quotidien de près de 2 000 tonnes, c’est-à-dire de quoi ravitailler dix corps d’armée. De plus, le trafic automobile a été extrêmement développé. « Dès février 1915, les opérations, le ravitaillement, les évacuations, en un mot toutes les évolutions vitales d’une armée de 250 000 hommes sur la rive droite de la Meuse avaient été prévues et étudiées dans le détail en faisant abstraction de tout trafic par voie ferrée. Le développement de nos transports mécaniques par route était tel à cette époque, — et il s’est depuis largement perfectionné, — qu’à la moindre alerte nous n’avions qu’à amener par camions les troupes, les vivres, les munitions nécessaires à la défense de Verdun. Et c’est ce qui explique que nous ayons pu nourrir méthodiquement nos lignes de défense et amener sans heurt, sans fausse manœuvre, sans anicroche, des milliers et des milliers d’hommes, qui ont agi selon les prévisions de notre Etat-major. » (Bulletin des armées.)

Il n’en est pas moins certain que les Allemands avaient l’avantage de quatorze voies ferrées et que cet avantage a pu contrebalancer, dans leur pensée, la force de la position de Verdun. Soyons assurés qu’ils ont pesé exactement cette force. Mais il est dans les doctrines de guerre allemandes, inspirées en cela des maximes napoléoniennes, de ne pas redouter d’attaquer l’adversaire à son point fort : c’est ainsi seulement qu’on obtient de grands résultats. Le moyen de vaincre est de prendre le taureau par les cornes.