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peu de cours d’eau, une voie qui, du temps que la Gaule était un fouillis impénétrable de forêts et de marécages, offrait déjà une voie nette au commerce des hommes.

Aussi la plus florissante des cités gauloises, Bourges, s’y était établie, Bourges, si prospère que, dans la dévastation systématique de leur pays devant César, nos pères eurent pitié d’elle et l’épargnèrent pour leur perte. Les champs de bataille sont des lices préparées par la nature, et chaque pays n’en offre qu’un petit nombre, où d’âge en âge les nations se donnent rendez-vous pour vider leurs querelles. Le champ de bataille de Champagne est à peu de chose près celui des Champs Catalauniques ; Jornandès parle d’une butte d’où le roi des Huns suivit la bataille, et qui devait ressembler beaucoup à la cote 196 ou à la butte de Tahure. A Verdun, c’est encore l’antique route commerciale de la Gaule qui a fourni aux Allemands, en plein hiver, un terrain solide et roulant, où ils ne craignaient pas de s’enlizer comme dans les boues de Woëvre et de Champagne.

On dit enfin que Verdun exerçait sur les imaginations allemandes un puissant attrait. Pendant tout le Moyen Age, elle est ville frontière, l’Allemagne commençant à la rive droite de la Meuse, la France à la rive gauche. Elle passe à la France, quand Henri II prend possession des Trois-Evêchés. Ce roi pense aussitôt à la fortifier. Ce projet est réalisé par Henri IV suivant le système du premier ingénieur du temps, Errard de Bar-le-Duc. Vauban refait en 1682 les fortifications d’Errard. En 1792, c’est à Verdun que l’armée prussienne force la ligne de la Meuse. Gœthe a passé à Brabant et à Samogneux. En 1870, Verdun, placé exactement à la croisée de la Meuse et des voies de Metz à Paris, a gêné considérablement jusqu’au 9 novembre les communications des armées allemandes opérant de la Loire à la Somme. Au début de la bataille de février 1916, les journaux allemands ont été remplis d’articles historiques sur la ville, revendiquant comme allemande la ville du traité de 843. Il est hors de doute, de plus, qu’on a présenté aux soldats le forcement de Verdun comme le premier pas sur la route de Paris.


IV

Les articles inspirés par l’état-major allemand ont beaucoup varié sur l’importance de l’action engagée devant Verdun.