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l’observatoire du Mort-Homme. C’est un petit massif formé de deux collines jumelles, l’inférieure (265 m) au Nord-Ouest, la plus haute (295 m) au Sud-Est. Un ravin qui évide le flanc occidental du massif donne d’excellentes positions d’artillerie, défilées du Nord et de l’Est.

Voilà donc, au total, le champ de bataille. Il présente à l’assaillant un premier avantage, qui est évident. C’est que la Meuse y coupe en deux les positions du défenseur, c’est-à-dire, en l’espèce, des Français. Elle ne constitue en elle-même qu’un cours d’eau d’une cinquantaine de mètres. Mais elle serpente dans un lit majeur, encaissé, large d’un kilomètre, occupé par des prairies qu’elle inonde en hiver. La présence d’une coupure aussi considérable, perpendiculaire au front de défense, est pour celui-ci un inconvénient extrêmement grave. L’histoire militaire en connaît un exemple célèbre. C’est à la présence d’un ravin situé de la sorte dans les positions autrichiennes que Napoléon dut, en 1813, la victoire de Dresde.

L’alternance des ravins et des plateaux présente au contraire de grands avantages à la défense. L’assaillant doit se porter en avant, soit par des espaces découverts que l’adversaire arrose, soit dans des couloirs balayés de feux d’enfilade. — L’inégalité des divers mamelons crée un flanquement réciproque, des commandemens, une hiérarchisation du champ de bataille. A mesure que l’attaque a fait un pas, elle tombe sous un feu nouveau. Des bois, disposés çà et là, créent, pour la défense, des réduits difficiles à forcer. — Mais inversement ceux de ces bois qui sont à la périphérie constituent de bonnes positions de rassemblement et de départ ; ceux qui sont dans les lignes des défenseurs, une fois occupés par l’assaillant, lui servent de couvert d’où il peut lancer les attaques ultérieures ; tel a été, sur, la rive gauche, le rôle du bois des Corbeaux. Enfin les ravins se rapprochent les uns des autres, à mesure qu’ils descendent vers la Meuse ; ils constituent des chemins préparés pour ces attaques convergentes qui, depuis le feld-maréchal de Moltke, sont le commencement et la fin de la tactique allemande.

Ajoutez la nature du terrain, ce sol de calcaire jurassique, compact et fissuré, qui absorbe l’eau, reste sec et ne fait point de boue. Il y a, traversant toute la France de Metz à Poitiers, une sorte de large trottoir, dallé de ce terrain, sans forêt, avec