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tranche dominant à pic les plaines de la Woëvre s’appelle les Hauts-de-Meuse.

C’est ce plateau de calcaire dur qui constitue la région de Verdun. Réduit à sa forme géométrique, c’est un plan incliné vers l’Ouest. Là, il n’a pas plus de 250 mètres ; à l’Est où il culmine vers Douaumont, il en a 388. A l’Ouest, sa déclivité s’enfonce sous les collines d’Esnes. A l’Est, son arête domine la Woëvre. La Meuse le traverse du Nord au Sud.

Cette régularité est interrompue par deux faits. Le premier concerne particulièrement la rive droite (Est) de la Meuse. Ce fleuve, qui n’est par lui-même qu’une rigole parallèle à l’arête du plateau, — une cunette, comme diraient les sapeurs, — reçoit de cette arête des affluens. Ces affluens, naissant à fleur du sol, deviennent très vite extrêmement profonds. Ainsi le ravin qui aboutit au fleuve près de Bras, naît sur le plateau à l’Est de Louvemont, à 347 mètres ; il rejoint la Meuse à l’altitude de 197 mètres environ. Il a donc dû, sur une longueur d’une lieue, s’enfoncer de 140 mètres ! D’autres ravins, au lieu de descendre à l’Ouest vers la Meuse, descendent à l’Est vers la Woëvre ; ils sont dans des conditions analogues. Le plus important pour l’histoire de la bataille naît entre Fleury et Douaumont à 320 mètres. A moins d’une lieue plus loin, après avoir longé le village de Vaux, il entre en Woëvre à 250 mètres seulement. — Entre ces deux systèmes de ravins, ceux qui se dirigent à l’Ouest vers la Meuse, et ceux qui se dirigent à l’Est vers la Woëvre, règne une arête qui les sépare, une ligne de partage qui, dans ce terrain compartimenté et découpé, forme seule un faîte non ébréché. On devine aisément que ce faite est la clé de toute la position. Il domine toute la région, et commande dans tous les sens toutes les têtes de ravins : c’est le plateau de Douaumont.

Le second phénomène qui altère la régularité du pays est relatif au contraire à la rive gauche de la Meuse. On a vu que le plateau de Verdun allait s’enfouir de ce côté sous les collines d’Esnes, dont les falaises tranchantes le dominent. Mais ces falaises projettent sur lui des îles, qui sont à sa surface comme des verrues. Déjà l’Argonne projetait ainsi vers l’Est l’observatoire de Vauquois ; les Hauts-de-Meuse projettent sur la Woëvre l’observatoire de Montsec ; — les collines d’Esnes projettent sur le plateau de Verdun, au Nord-Ouest de la ville,