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pour soutenir le courage de leurs compatriotes par l’espérance, montré Verdun porte de la France, et pour le soutenir par la crainte, montré Verdun porte de l’Allemagne.

Au surplus, l’importance de la région est si peu douteuse que les Allemands n’ont pas cessé d’y entretenir des forces considérables. Examinez leur ordre de bataille dans le cours de septembre 1915, avant la bataille de Champagne, vous trouvez deux armées particulièrement fortes, la VIe sur le front d’Artois, et la Ve sur le front de Verdun, son aile droite dans l’Argonne. Elle comprend des effectifs équivalens à six corps d’armée. Elle est composée en grande partie de troupes d’élite, et commandée par le Kronprinz. Il est bien évident que cette force considérable est là dans un dessein défini.


III

Quelles étaient les conditions tactiques dans cette zone ?

De Paris à la Moselle, le terrain présente une succession régulière. Imaginez une pile de livres, qui a chaviré vers la gauche, chacun glissant sur l’autre ; ils se recouvrent encore, et en même temps ils se débordent : ils ne sont plus élevés en hauteur, mais étalés en largeur. Voilà exactement la topographie entre Paris et Metz. D’abord un plateau un peu relevé vers l’Est, l’Ile-de-France ; sa tranche, vers Montmirail et Sézanne, tombe sur un plateau inférieur, également relevé vers l’Est, la Champagne ; la tranche de la Champagne tombe à son tour vers Massiges sur un troisième plateau, où coule l’Aisne. Ce plateau, relevé vers l’Est comme les deux premiers, forme l’Argonne. L’Argonne tombe à son tour à pic vers Varennes, et sous elle surgit un quatrième plateau ; mais comme il est formé de sables et de marnes, il a un dessin moins franc. On le voit cependant à son tour s’écrouler face à l’Est, après avoir formé les bois de Malancourt. Un cinquième plateau apparaît sous ces bois, pour se terminer lui aussi par un abrupt, les collines 304 et 310, au Nord et au Sud d’Esnes. Un sixième plateau naît sous celui-là. Il est formé de larges dalles de calcaire dur. Solide et massif, il couvre une large étendue. La Meuse s’y est creusé un couloir Nord-Sud, sans rompre son unité. La limite du plateau est à une dizaine de kilomètres dans l’Est. Là, il s’arrête, et sa