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Toul et Épinal, l’autre au Nord entre Verdun et l’Ardenne. Arrive la guerre de 1914. Le chenal Sud reste interdit à l’ennemi. La digue elle-même tient bon. L’ennemi ne peut même pas s’emparer de la position avancée de Nancy. En revanche, l’invasion passe par le chenal Nord. Mais elle doit pour cela contourner Verdun, qui reste en nos mains. C’est à Verdun que les armées qui livrent la bataille de la Marne appuient leur aile droite, comme elles appuient leur aile gauche au camp retranché de Paris.

Ainsi Verdun, en septembre 1914, forme un bastion d’angle avançant dans les lignes ennemies entre le groupe formé par notre deuxième et notre première armée à l’Est, et le groupe formé par les troisième, quatrième, cinquième, neuvième, sixième armées et l’armée anglaise, à l’Ouest. Cependant, la bataille de la Marne est gagnée. Les Allemands cherchent une revanche immédiate. Ils la trouveront sur notre flanc droit. Cette digue Verdun-Toul, qu’ils ont d’abord contournée, ils vont l’enlever par surprise. Ils escaladent hardiment les Hauts-de-Meuse, à mi-chemin des deux places. Ils n’y trouvent que quelques élémens du 8e corps, qui se replient. Sur leurs talons, les Allemands atteignent la Meuse, en plein centre de la digue, à Saint-Mihiel. Ils ne peuvent aller plus loin. Mais, là comme ailleurs, ils s’incrustent. Ils forment entre les Eparges, Saint-Mihiel et Apremont un coin, longtemps tenu par les Bavarois.

Voilà donc Verdun entouré sur la plus grande partie de sa circonférence. Dans l’hiver de 1914 et au printemps de 1915, les Français, il est vrai, se donnent de l’air. En octobre 1914, ils élargissent sensiblement leurs positions du côté du Nord ; en avril 1915, ils avancent vers l’Est jusque près d’Etain. Au Sud-Est, ils enlèvent la position des Eparges. Néanmoins, Verdun figure toujours un bastion d’angle, un saillant exposé et assiégé. C’est donc, comme tous les saillans, une zone désignée pour un grand effort de l’adversaire.

Il faut, de plus, tenir compte d’une autre considération. Une position centrale comme la ligne Verdun-Toul est à deux fins. Dans le cas d’une guerre défensive, elle sert d’appui à l’armée de campagne. Dans le cas d’une guerre offensive, elle lui sert de base. En saisissant Verdun, les Allemands ruineraient une de nos possibilités d’offensive. Ils ont naturellement fait valoir cette idée devant l’opinion allemande ; c’était leur jeu. Ils ont,