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simplement retenir, ne fût-ce que provisoirement, de gros effectifs alliés dans la Méditerranée orientale ? Ce qui est certain, c’est qu’au début de 1916 ils n’avaient plus sur le front serbe que trois divisions au plus, et plus probablement deux. D’autre part, ils avaient cédé aux Autrichiens, d’une manière générale, tout le front au Sud du Pripet, et laissé au Nord de ce fleuve, depuis le golfe de Riga jusqu’à Pinsk, une cinquantaine de divisions seulement. Et ils allaient chercher la décision par une victoire sur le front français.

Ils s’efforcent maintenant de présenter l’opération qu’ils allaient tenter en France comme purement défensive. Il s’agissait, disent-ils, de désorganiser les préparatifs d’une offensive générale des Alliés au printemps. Il est trop évident qu’en s’attribuant un dessein relativement si modeste, ils pourront toujours prétendre y avoir provisoirement réussi. Pour le démontrer, ils forgent tout un roman. Un correspondant anonyme du Berliner Tageblatt a prétendu, le 15 avril, que les Français avaient prémédité une offensive contre Metz pour cette date. Les Allemands auraient connu ce dessein dès le mois de janvier, et la bataille de Verdun y aurait mis fin. Cette invention a naturellement pour but de rassurer l’opinion allemande en montrant que la bataille n’a pas été sans effet.

Les Allemands jouent sur les mots. Ils font bien en effet de la défensive stratégique, mais par le moyen d’une offensive tactique. Quel qu’ait été le but lointain de la bataille, celle-ci a été menée comme une bataille offensive de première grandeur, avec le dessein immédiat d’annihiler l’adversaire.


II

Pourquoi cette bataille a-t-elle été livrée dans la zone d’opérations de Verdun ?

Les raisons de ce choix ne peuvent naturellement être définies que par conjecture. Il en est toutefois un certain nombre qui sont assez apparentes.

Représentez-vous, face à l’Est, la position centrale préparée par les Français sur la Meuse, après la guerre de 1870. C’est une sorte de digue, qui se termine par deux musoirs : Verdun au Nord, Tout au Sud. En avant, plus près de l’ennemi, Nancy. Cette digue laisse ouverts deux chenaux, l’un au Sud entre