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rompre et arrêté l’ennemi épuisé. Après dix-huit mois de guerre et de grandes pertes des deux côtés, il devenait évident qu’au printemps de 1916 les Alliés feraient seulement le plein de leurs forces, tandis que les Allemands auraient déjà commencé à s’user irrémédiablement.

Les classes en Allemagne ont été rappelées dans l’ordre suivant : au début de la guerre, d’août à novembre 1914, les hommes de complément de toutes catégories ayant déjà fait leur service actif ; d’août 1914 à février 1915, la totalité de l’Ersatz réserve (hommes dispensés du service actif) ; d’août 1914 à avril 1915, le Landsturm non instruit de vingt-et-un à trente-cinq ans. Quant aux jeunes classes, celle de 1914 a été appelée en novembre-décembre 1914 ; la classe 1915, en mai-juin 1915 ; la classe 1916, en août et septembre ; la classe 1917, en décembre 1915 et janvier 1916. Enfin, en juillet 1915, on a incorporé le Landsturm non instruit de trente-cinq à quarante-cinq ans ; en octobre-novembre 1915, on a récupéré les hommes précédemment réformés. Autrement dit, à la fin de 1915, les Allemands avaient levé la totalité des hommes pouvant être fournis par les ressources normales. Ainsi leurs possibilités de recrutement étaient épuisées dès 1915, tandis que celles des Alliés n’avaient pour ainsi dire pas de limite. La force des choses, si on lui laissait le temps de produire ses effets, condamnait fatalement les Allemands à la défaite.

Ils le savaient, et pensaient conduire la guerre en conséquence. Ils avaient souvent proclamé, dans le cours de 1915, que cette guerre serait la victoire de l’esprit sur le nombre. Il fallait donc demander des ressources à l’esprit. Ils avaient réussi à engager dans leur cause la Turquie. Ils réussirent également, en octobre 1915, à y engager la Bulgarie. Ils furent ainsi en état, avec relativement peu de frais, de créer en Orient une diversion. Non seulement, en conquérant la Serbie, ils réussirent à amener à Salonique une puissante armée franco-anglaise, qui a été ainsi tenue loin du théâtre principal des opérations, mais, en s’ouvrant à grand bruit le chemin de Constantinople, ils inquiétaient l’Angleterre par la menace d’une expédition sur l’Egypte.

Ont-ils cru eux-mêmes à cette expédition ? Ont-ils pensé que cette menace détournerait l’Angleterre d’une participation plus effective à la guerre sur le front français ? Ont-ils voulu