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À LA TERRE


Nous avons pris ton sein comme un sein de nourrice,
O Terre de soleil, maternelle et tutrice.

Et le Désert a mis sur nos lèvres d’enfans
Les rythmes éternels et les mots triomphans.

Terre, divinité généreuse et superbe,
Nous aimons tout de toi, depuis l’odeur de l’herbe

Jusqu’au parfum sacré du sable plein de morts.
O Terre sans chemins, sans foules, sans remords,

Terre sans abondance et sans labeurs arides,
Si quelque vent du Nord à ton front met des rides

Et secoue en passant tes beaux cheveux dorés,
Rutilant des débris de trésors ignorés,

Le vent du Sud se lève et d’un coup d’aile efface
Le pli que l’étranger fit naître sur ta face.

Pour disperser ton âme au sein des Saharas,
Inspire la chanson de ceux que tu verras

Ivres de la douceur des longues mélopées
Et du récit sans fin des vieilles épopées.

Terre des bleus tombeaux embaumés de benjoin,
Accueille les Errans venus vers toi de loin.

Toi qui te nourriras de notre chair et d’ombre
Pour refaire la vie en des êtres sans nombre,

Terre des oasis, Terre des lents troupeaux,
Sois la plus précieuse aux suprêmes repos.