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Dans le beau cliquetis de leurs bijoux berbères,
Les femmes vont. Ainsi les bibliques bergères

Allaient jadis, guettant les bruns Eliézers
Aux yeux naïfs brûlés par le ciel des déserts.

Qui chantera tous vos rendez-vous, ô fontaines,
De la montagne haute aux oasis lointaines ?

Qui chantera sur le « djaouk », voix des roseaux,
La chanson de l’amour et la chanson des eaux ?

Et le caravanier, dénouant ses sandales
Pour gravement prier sur la fraîcheur des dalles,

Ecoutera tinter dans son rythme changeant
Le bracelet barbare et le « khelkhal » d’argent.


LE BONHEUR


De richesse, ô Censeur, je ne suis pas avide.
Autant que mon grenier, mon escarcelle est vide.

Je n’ai pas de sendouq incrusté de corail
Et je n’ai pas d’eunuque et n’ai pas de sérail.

Je n’ai pas un esclave ou pervers ou candide.
Je ne possède pas une maison splendide
En marbre précieux qu’au loin on fut chercher ;
Ni minaret hautain ni coupole : un rocher
L’abrite vers le Nord des brises refroidies.
Dans le désert où plane en lentes mélodies
Le rythme des troupeaux de nomades errans,
Je l’ai plantée un jour, et les rayons mourans
Du soleil qui, le soir, descend au lit des sables,
La couvrent un instant des ors insaisissables.
Je repose mon corps sur les tapis épais
Chers à mes longs sommeils pleins de rêve et de paix.