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Voici de la résine et voici des épices,
Et voilà, pour parer tes vertus ou tes vices,
Des feuilles de « henna » que l’on cueillit au loin.
Prêtre, ne vole pas ces pierres de benjoin,
Car, dans tous les lieux saints où ta prière abonde,
Ton offrande n’aurait qu’une fumée immonde !


LA VILLE


Voici la ville au fond de la vallée heureuse.
Elle sourit avec un charme d’amoureuse.

Nous voulons nous asseoir au seuil de ses maisons,
Nous contenter un jour de ses brefs horizons.

Nous suivrons le chemin de son ombre qui bouge
Quand le soleil lui donne un casque en cuivre rouge.

Nous voulons voir sa vie étrange autour de nous,
Ses gestes de Barbare aux yeux larges et doux.

Parfois, elle ressemble à quelque fille hellène
Qui, les doigts au fuseau, rêve en filant la laine.

Ses femmes vont aux puits par des sentiers nombreux.
Leur bavardage court dans les jardins ombreux

Où l’on voit s’entr’ouvrir et rire la grenade
Parmi les fruits d’automne aux tons d’or et de jade.

Ces fruits ont la saveur du premier paradis.
Gonflés de sève chaude, ils tombent alourdis

Sur les herbes où rôde un parfum d’aromates
Et dans les creux bassins aux eaux calmes et mates.

Une vigne profuse étreint un figuier blanc.
La feuille rousse vole et retombe en tremblant.