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Qui s’élargit ainsi qu’une aile d’aigle noir.
La source entre les rocs chante, chante ce soir

Comme une courtisane impatiente et folle.
Entre les vieux noyers, telle une écharpe molle,

L’eau sinue et s’enroule, et glisse, et disparaît.
Au détour des chemins la Ruse est en arrêt,

Prête à suivre le jeu des femmes infidèles.
Tout se confond, murmure, et soupir, et bruit d’ailes.

Le destin quelquefois peut trahir les amans ;
Quelquefois un poignard brille aux vergers charmans ;

Du sang coule et se mêle à l’eau tendre, bavarde,
Où l’arbre recueilli se reflète et regarde

L’image du péché des hommes dans la nuit.
Un parfum passe, une ombre amoureuse le suit...

Et les vergers peuplés d’invisibles présences
Accueillent les baisers, les morts et les silences.


MARCHAND NOMADE


Voici du blé, des œufs, des herbes et des dattes.
Et voici dans les flancs de ces profondes jattes,
Là, du lait de chamelle et du vin de palmier,
Ici, l’huile des fruits cueillis à l’olivier.
Dans ces couffes d’alfa j’ai des grains de genièvre
Et des paquets du thym dont est gourmand le lièvre.

Ces colliers sont de musc. Ces cornes de bélier
Furent le seul paiement qu’un maudit chamelier
Put me donner pour prix d’une corde de laine.
Fils, veux-tu de l’encens pour parfumer l’haleine ?
Négresse, qu’un démon paralyse ta main,
Si tu ne peux choisir le poivre ou le cumin !