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DÉCISION


J’irai parmi ces fronts graves, ceints de turbans,
Beaux comme des profils d’anciennes médailles.
Le filet de l’Islam me prendra dans ses mailles,
Mes désirs renégats deviendront musulmans.

J’effeuillerai les fleurs de la menthe sauvage
Dans le sang du palmier qui grise comme un vin.
Je vivrai, sans souci du temps ni regret vain,
Au fabuleux soleil qui mordra mon visage.

Tel le caravanier dont le troupeau passif
Viole le secret de l’immensité rousse,
Je saurai les récits des champs et de la brousse
Et le songe infini des vieux fumeurs de kif.

Le clair-obscur qui règne au fond des sanctuaires,
Palpitant d’étendards le long d’un mur bleuté,
Apaisera le feu de mes yeux pleins d’été.
Ma ferveur aimera des gestes millénaires.

Je dormirai mes nuits, je rêverai mes jours
Dans un manteau de laine au large pan biblique.
Et mon cœur saturé de poésie antique
Chantera la splendeur de ses graves amours.

Je serai comme un dieu dans l’aurore première.
Ainsi, lorsque viendra le soir de mon repos,
Dans la paix lentement se dissoudront mes os
Sous la poussière chaude et la blonde lumière.


LE CHEMIN


Des sandales d’alfa jalonnent les sentiers
Où passèrent tantôt les souples muletiers.

Au mont des romarins, les abeilles sans nombre
Activent leur labeur, car voici venir l’ombre